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Interviews

Économiser ensemble, réussir ensemble

2014 Disponible en Anglais, Français, Portugais et Espagnol

Membres d’un groupe d’entraide qui remettent leurs économies à la responsable de groupe lors d’une reunion hebdomadaire. Photo : Cally Spittle/Tearfund

De : Mobiliser les ressources locales – Pas à Pas 93

Tirer le meilleur parti de ce que nous avons, le partager et le multiplier

Adenach Woshebo, 27 ans, a commencé par économiser 3 birrs par semaine. « Je ne savais pas que je pouvais devenir riche », dit-elle avec un sourire. Depuis, elle a emprunté plus de 700 birrs (37 dollars), qu’elle a utilisés pour développer son commerce de canne à sucre. « Je peux désormais nourrir ma famille de cinq personnes sans emprunter. » Photo : Louise Thomas/Tearfund

Adenach Woshebo, 27 ans, a commencé par économiser 3 birrs par semaine. « Je ne savais pas que je pouvais devenir
riche », dit-elle avec un sourire. Depuis, elle a emprunté plus de 700 birrs (37 dollars), qu’elle a utilisés pour développer son commerce de canne à sucre. « Je peux désormais nourrir ma famille de cinq personnes sans emprunter. » Photo : Louise Thomas/Tearfund

« Tu n’y arriveras jamais ! » Voilà ce que Zenebech Tesfaye, 30 ans, a entendu autour d’elle lorsqu’elle a rejoint le groupe d’entraide Yenegefire
(« Les fruits de demain ») et qu’elle a décidé d’économiser 1 birr (0,05 $US) par semaine. « Ils se sont mis à rire, m’ont taquinée et ont fait toutes sortes de blagues, mais j’ai décidé de ne pas les écouter et de continuer à
économiser. »

Depuis, le groupe a augmenté son épargne à 7 birrs par semaine. « Tous ceux qui se moquaient de mes économies d’un birr par semaine ne demandent aujourd’hui qu’à se joindre au groupe, surtout après avoir vu les progrès que le groupe m’a fait faire », dit-elle.

Zenebech vend des chips de pommes de terre dans un restaurant près de chez elle. « Grâce à cette activité, j’ai pu payer les frais de scolarité de mes enfants, les nourrir et bien les habiller. » Elle a même augmenté ses économies de 7 birrs à 10 birrs par semaine (environ 2,50 $US par mois).
« J’ai appris que la clé du changement est entre mes mains et je ne reviendrai jamais en arrière. »

La Rédactrice a demandé à Mulugeta Dejenu, qui travaille depuis douze ans à la mise en place de groupes d’entraide en Éthiopie, de bien vouloir répondre à quelques questions sur la façon dont ils ont transformé la vie des Éthiopiens.

Quel est le secret de la réussite de vos groupes d’entraide ?

L’expérience partagée

Les groupes d’entraide sont composés de personnes aux statuts sociaux similaires, confrontées au même genre de difficultés dans la vie, comme l’isolement et un accès limité à l’information et aux ressources (financières et connaissances). En Éthiopie, les femmes sont davantage touchées par ces problèmes que les hommes, car elles ont généralement peu droit à la parole dans les prises de décision et n’ont pas accès aux ressources domestiques.

Pour mettre en place des groupes d’entraide, on cherche à savoir qui sont les personnes les plus pauvres de la communauté en effectuant une classification par niveau de richesse, ce qui implique de s’adresser aux principaux dirigeants et à la communauté dans son ensemble. Ces personnes sont ensuite invitées à une réunion où on leur explique en quoi consistent les groupes d’entraide et elles sont conviées à se joindre à un groupe. Au début, peu de personnes le souhaitent, et celles qui le veulent sont généralement en proie au désespoir, à la peur et manquent de confiance en elles.

Malgré cela, leur statut social identique et leur expérience commune fournissent un terrain d’entente qui permet aux membres des groupes d’entraide de tisser rapidement des liens. Cela favorise la confiance mutuelle et la solidarité. Ils s’engagent ainsi plus facilement à atteindre des objectifs communs et cela renforce leur détermination à surmonter la pauvreté ensemble. La qualité des relations facilite la confiance mutuelle et la vulnérabilité, ce qui leur permet de partager leurs plus grands secrets. Les personnes qui vivent avec le VIH en ont parlé et elles sont traitées en amies. Musulmans et chrétiens sont devenus amis. Les groupes ethniques qui avaient été isolés sont reçus chaleureusement par les membres des groupes d’entraide. Pour bon nombre de leurs membres, les groupes s’avèrent être un environnement propice à la guérison, en raison de l’acceptation et de l’amour qui y sont manifestés.

L’autonomisation par la démocratie

Parce que ce sont des organisations populaires, les groupes d’entraide sont démocratiques. Pour les hommes et les femmes pauvres, c’est une occasion rare d’exercer la démocratie et de faire valoir concrètement leur autorité. Ils rédigent leurs propres statuts (code de conduite) de façon démocratique et les membres les approuvent. Les membres des groupes d’entraide élisent leurs propres responsables ou représentants. Chaque membre est amené à développer ses compétences en leadership et en communication, en présidant une réunion hebdomadaire. Cela permet d’éviter qu’une seule personne ait le monopole. Ainsi, tous les membres ont la même opportunité de grandir et de développer leurs qualités de leader. Cela produit une transformation personnelle car de nouvelles compétences sont développées et nourries.

Lors des réunions hebdomadaires, tous les membres sont encouragés à participer. Étant donné que le pouvoir de prise de décision repose sur les membres en tant que groupe, les groupes d’entraide génèrent un fort sentiment d’appartenance et d’appropriation.

L’expérience de l’épargne

L’approche des groupes d’entraide transmet une culture d’épargne à ceux qui n’avaient encore jamais épargné et qui ne pensaient pas que les personnes pauvres pouvaient le faire. Pour pouvoir épargner, chaque membre du groupe d’entraide doit réduire ses dépenses inutiles et tout gaspillage, y compris la mauvaise utilisation de son temps. Les toutes premières économies hebdomadaires ne sont pas faites en gagnant de l’argent mais en réduisant les dépenses inutiles, par exemple en réduisant sa consommation de café à une fois par jour au lieu de trois (boire le café est la principale activité sociale en Éthiopie).

Les groupes d’entraide encouragent leurs membres à épargner avant de leur accorder des prêts. Cela leur permet de comprendre la valeur de l’argent et de découvrir l’épargne sacrificielle. Une fois qu’ils ont vu par eux-mêmes qu’il est difficile d’épargner, ils comprennent mieux la valeur des prêts et l’importance de les rembourser à temps, en faisant preuve d’un grand sens des responsabilités. Les institutions qui prêtent de l’argent aux groupes sans passer par cette phase ont constaté qu’il était difficile de le récupérer.

Mobiliser leurs propres ressources

Les prêts dont bénéficient les groupes d’entraide proviennent de l’épargne hebdomadaire des membres, qui s’est accumulée pendant six à douze mois. Pendant au moins un an, les groupes d’entraide mobilisent leurs propres économies et n’empruntent pas à l’extérieur du groupe. Les prêts de ces groupes évitent à leurs membres d’être à la merci des impitoyables prêteurs locaux.

Les membres demandent un prêt en remplissant un formulaire qui indique l’utilisation du prêt, sa durée et l’échéancier de remboursement. Les demandes sont examinées par le groupe et les décisions sont prises par vote. Les intérêts générés sont ajoutés au capital du groupe et mis à disposition pour d’autres emprunts. En Éthiopie, environ 98 pour cent des prêts des groupes d’entraide sont remboursés et ceux qui ne le peuvent pas ont une raison valable : un décès, un divorce ou la faillite. La possibilité d’économiser et d’accorder des prêts génère chez les membres un fort sentiment d’indépendance, de la dignité et de la confiance en soi. Dans les contextes où la culture de dépendance à l’égard d’un soutien extérieur est bien ancrée, les groupes d’entraide permettent de s’en libérer grâce à l’autodiscipline et au soutien mutuel.

Quel est l’avantage de ne pas avoir de soutien extérieur excepté l’encouragement du facilitateur ?

Bien souvent, les membres des groupes d’entraide prennent l’initiative de soutenir leurs collègues avec des conseils et des encouragements. Le succès des diverses entreprises des membres est souvent évoqué lors des réunions et sur le chemin du retour. Une récente étude comparant les coûts et les avantages de l’approche des groupes d’entraide indique à quel point le transfert de compétences entre les membres est bénéfique pour la croissance des revenus.

Les six premiers mois sont les plus difficiles. Le rôle du facilitateur est très important pendant ce temps. Le facilitateur aide les membres à adopter des habitudes et des comportements qui permettent au groupe de fonctionner. Il aide les membres du groupe à faire connaissance et à se faire mutuellement confiance, mais aussi à se discipliner pour parvenir à réaliser les économies hebdomadaires.

Le facilitateur organise diverses formations : gestion de l’épargne et des crédits, développement des petites entreprises, activités génératrices de revenus et compétences en leadership, en privilégiant toujours la découverte personnelle.

Avec le temps, les groupes d’entraide accèdent à des compétences, des connaissances et des ressources extérieures.

Quel danger représentent les dons et les prêts extérieurs à la communauté ?

Les dons vont à l’encontre du principe fondamental des groupes d’entraide, qui est de favoriser l’autonomie de chacun. Les groupes d’entraide ont pour but de restaurer la dignité et l’indépendance de leurs membres par le biais de leur travail assidu, à partir de la mobilisation de leurs propres ressources. Le principe qui consiste à « aider les gens à résoudre leurs problèmes au lieu d’essayer de les résoudre à leur place » est le fondement des groupes d’entraide, car c’est ce qui leur permet de prospérer en tant qu’organisations populaires. Toute initiative visant à fournir une aide financière détruit leur motivation à réussir par leurs propres efforts. Cela sape leur créativité et leur aptitude à libérer leur potentiel. Les groupes qui ont reçu des dons de la part d’ONG (organisations non-gouvernementales) qui ne comprenaient pas l’approche des groupes d’entraide ont cessé de se réunir.

Quel est le potentiel des groupes d’entraide ?

En l’espace de deux ou trois ans, on constate un changement complet chez les membres des groupes d’entraide en termes d’estime de soi, de confiance en soi et d’augmentation des revenus. Les membres peuvent envoyer leurs enfants dans de meilleures écoles, assumer le coût des soins de santé, consommer des aliments plus nutritifs, construire de meilleurs logements, avoir au moins une activité génératrice de revenus et embaucher des membres de leur famille.

En l’espace de cinq ans, les membres créent de nouvelles entreprises, s’éloignant souvent du marché pour louer des boutiques. En l’espace de dix ans, les groupes aspirent à monter des entreprises communes et à créer des banques et des compagnies d’assurance. Certains groupes qui existent depuis une dizaine d’années rêvent d’envoyer des membres de groupes d’entraide au Parlement pour soulever des questions liées aux droits fondamentaux des enfants et des femmes.

Merci à Grace Kamuyu pour l’utilisation de ses entretiens avec Zenebech Tesfaye et Adenach Woshebo.

Vous trouverez plus d’informations sur la création de groupes d’entraide et d’épargne dans les livres Releasing potential (Libérer le potentiel) et PILIERS : Crédits et prêts pour les petites entreprises.


Étapes pour démarrer un groupe d’entraide

Les groupes d’entraide se développent progressivement, comme des plantes :

  • un groupe extérieur à la communauté qui sait mettre en place des groupes d’entraide rend visite à une communauté (préparation du sol)
  • les personnes les plus pauvres de la communauté sont identifiées et invitées à se joindre à un groupe d’entraide (mise en terre de la semence)
  • des facilitateurs extérieurs au groupe aident à établir des groupes d’entraide (le jeune plant est nourri et arrosé)
  • au fil du temps, la facilitation est de moins en moins nécessaire (la plante commence à se fortifier et finit par produire des fruits).


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