Patricia Conteh était responsable de projets pour Tearfund en Sierra Leone lorsque le virus Ebola a frappé le pays en 2014. Ici, elle nous fait part de la manière dont les responsables religieux ont contribué à enrayer la progression d’Ebola.
Que s’est-il passé lorsque l’épidémie d’Ebola a frappé la Sierra Leone ?
Les Sierra-Léonais sont très amicaux et chaleureux, et nous aimons les visiteurs. Les gens sont constamment en train d’aller chez les uns et les autres. Mais lorsqu’Ebola a frappé, tout cela s’est arrêté.
Nous avons commencé à recevoir des messages disant qu’Ebola était là et que le virus était mortel. La plupart des gens n’avaient jamais entendu parler d’Ebola, et ne savaient donc pas comment réagir. Cela a créé des divisions jusqu’au sein des foyers. Les maris ne savaient pas si leur épouse était atteinte de la maladie, et vice-versa. C’était comme si Ebola attaquait l’essence même de notre culture.
Comment les communautés religieuses ont-elles réagi ?
Au début, l’ignorance a eu de nombreuses conséquences. Beaucoup d’Églises niaient le fait qu’Ebola était un problème d’ordre médical. Elles disaient que c’était un jugement de Dieu parce que nous étions pécheurs. De nombreux responsables d’Église ont imposé les mains aux gens et été infectés par le virus, contribuant ainsi à le propager.
Les gens voulaient maintenir leurs pratiques funéraires traditionnelles. Pour les musulmans, le corps des défunts devait être lavé et des prières prononcées de façon spécifique à leur contact. Les chrétiens pleuraient sur le corps des défunts et le touchaient. Ces pratiques ont contribué à augmenter le nombre de personnes infectées.
Comment les responsables religieux se sont-ils remis en question ?
Les responsables religieux ont commencé à comprendre qu’Ebola n’était pas d’ordre spirituel. Le Conseil des Églises et le Conseil interreligieux de la Sierra Leone se sont réunis. C’est à partir de là que la situation a changé. Ils ont demandé au gouvernement de leur dispenser une formation sur le virus Ebola.
Les responsables chrétiens et musulmans ont alors été formés ensemble et ont commencé à travailler ensemble. Ils ont étudié la Bible et le Coran pour trouver des versets qui pouvaient appuyer la réponse à l’épidémie d’Ebola. Ils ont mis en place des groupes de discussion et instruit les habitants ensemble. C’était très inhabituel en Sierra Leone.
La population de la Sierra Leone a beaucoup de respect pour ses responsables religieux et elle leur fait confiance. Les habitants les ont donc écoutés. Tout le monde a écouté les consignes du pasteur : ne pas toucher les autres, se laver les mains, porter des vêtements de protection, etc. Ces changements ont beaucoup aidé.
Comment les groupes religieux ont-ils diffusé des messages de santé au sujet d’Ebola ?
Les groupes religieux ont collaboré avec des ONG pour diffuser des messages de santé. Les musulmans et les chrétiens ont eu recours à des vidéos et des émissions radio. Tearfund, l’UNICEF et d’autres organisations ont envoyé des posters aux Églises, qui les ont affichés dans leurs communautés. La Ligue pour la Lecture de la Bible a produit des scénettes, des chansons et des danses pour expliquer comment répondre à l’épidémie. Les membres de l’Église et de la mosquée y ont participé.
Quel autre soutien les Églises ont-elles fourni ?
L’Église a offert un soutien psychosocial et spirituel. Tearfund a formé les pasteurs et leur a remis des téléphones pour qu’ils puissent contacter les personnes atteintes du virus Ebola. Les pasteurs pouvaient ainsi leur parler et prier avec elles au téléphone. Ils pouvaient les soutenir sans prendre le risque d’être infectés. Les pasteurs ont également apporté un soutien spirituel aux familles lors des décès.
Les Églises ont offert une aide pratique aux personnes en quarantaine (c.-à-d., gardées en isolement pendant un certain temps, de façon à s’assurer qu’elles n’infectent pas les autres). Les membres de l’Église ont fourni de la nourriture, de l’eau et des articles de toilette.
Une grande partie de la réponse de Tearfund a consisté à lutter contre la stigmatisation. Si les gens sont stigmatisés, ils risquent de se cacher au lieu de se rendre à l’hôpital. Lors des cultes, les responsables d’Église ont expliqué qu’il ne fallait pas stigmatiser les personnes atteintes du virus Ebola. Dans certaines communautés, les personnes qui ont survécu à Ebola ont été rejetées lorsqu’elles sont rentrées des centres de traitement. L’Église a organisé des réunions communautaires pour aider les habitants à accepter leur réintégration.
QUESTIONS POUR LA DISCUSSION
- Comment les responsables religieux peuvent-ils se préparer à répondre aux éventuelles urgences sanitaires ?
- Comment pouvons-nous atteindre les personnes isolées dans nos communautés ? Comment pouvons-nous lutter contre la stigmatisation ?
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