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Reconstruction après conflit: Expériences au Rwanda

par Ian Wallace. Les événements de 1994 au Rwanda ont eu un impact dans le monde entier. Tearfund a dû réfléchir à son attitude en réponse aux besoins des survivants du génocide et à la reconstruction de la confiance sociale qui avait été détruite.

1998 Disponible en Anglais, Français, Espagnol et Portugais

De : Gestion des conflits – Pas à Pas 36

Des idées pour aider à résoudre les conflits dans et entre les communautés

par Ian Wallace.

Les événements de 1994 au Rwanda ont eu un impact dans le monde entier. Tearfund a dû réfléchir à son attitude en réponse aux besoins des survivants du génocide et à la reconstruction de la confiance sociale qui avait été détruite.

Racines profondes

Contrairement à ce que pensent les gens non-impliqués dans le conflit, il ne s’agit pas simplement d’un conflit ethnique. Les deux principaux groupes ethniques (hutu et tutsi) partagent la même langue, la même culture, la même histoire et se sont aussi mariés entre eux. Les racines de ce conflit complexe plongent profondément dans l’histoire du Rwanda. Elles impliquent une mauvaise gestion coloniale, des luttes pour le pouvoir, une doctrine superficielle de l’église, une injustice non-résolue et de fausses croyances concernant des différences raciales. Dans les années précédant le génocide, Tearfund avait œuvré étroitement avec l’Eglise pour aider les pauvres. Cependant, il devint vite très clair que la plupart de nos partenaires traditionnels avaient été sérieusement affectés par le conflit et n’étaient pas capables de répondre aux besoins qui existaient.

Alors que nous étudiions ce qui est arrivé, il devint clair qu’une compréhension exacte du problème s’imposait, afin d’aider les populations rwandaises à sortir de ce cycle de conflits les troublant depuis si longtemps. Plusieurs choses significatives sont apparues:

  • Tout règlement politique obtenu ne changerait rien à la façon dont un individu regarderait son voisin: le désir de vengeance personnelle détruirait n’importe quel accord politique.
  • Seuls les Rwandais eux-mêmes pourraient résoudre les problèmes qui les ont empêchés de vivre ensemble en paix. En tant qu’étranger, notre rôle consistait à être à leurs côtés au moment où les problèmes surgissaient et les aider à créer des situations sûres où ils pourraient honnêtement regarder en face les événements qui avaient détruit leur pays.
  • Pour que les Rwandais travaillent véritablement à rétablir la paix, ils doivent être convaincus d’un avenir meilleur et avoir confiance (pour leurs enfants sinon pour eux-mêmes) que leurs espoirs se réaliseront dans l’avenir.
  • Pour que les gens progressent vers le développement, ils doivent travailler ensemble au sein de leurs communautés.

Etablir la confiance

La difficulté était d’instaurer une confiance sociale leur permettant de travailler ensemble. Cependant, la plus désastreuse conséquence de la guerre a été la haine, le ressentiment et la méfiance parmi les gens du peuple. Nous avons reconnu que la réponse de Tearfund passerait inévitablement par un encouragement de la confiance sociale. C’était la priorité numéro un: les besoins réels n’étaient pas des besoins financiers mais de bonnes relations entres les personnes et la guérison de leur cœur autant que leur corps.

Nous avons recruté un couple marié, Dick et Judy, pour qu’ils se rendent au Rwanda pendant 15 à 20 jours tous les deux mois. C’est un couple qui avait vécu une tragédie personnelle. Ils réussirent à gagner la confiance des Rwandais avec qui ils travaillaient. Leur mission consistait à passer du temps à écouter les Rwandais et à identifier et travailler avec ceux qui, selon eux, semblaient être les instruments de Dieu aidant au processus de guérison. Leur rôle consistait à être des amis et des facilitateurs. Le fait qu’ils ne faisaient que des visites les empêchait de prendre le rôle de dirigeants. Ils faisaient aussi très attention à ne pas pousser les gens à trouver des solutions rapides à court terme mais, au contraire, à les encourager à penser à long terme.

Une organisation exceptionnelle

Ils identifièrent rapidement une organisation appelée MOUCECORE. Celleci jouait un rôle important et ils formèrent un lien étroit avec Michel, le directeur. MOUCECORE devint un des éléments les plus importants de notre travail au Rwanda. C’est une organisation exceptionnelle, et cela pour plusieurs raisons:

  • Elle mettait en pratique le type de relations qu’elle cherchait à promouvoir. Au début, elle n’avait que 2 employés. Un Tutsi, prédicateur de l’Eglise anglicane, et une responsable hutu du mouvement des femmes de l’Eglise presbytérienne.
  • Elle n’était pas intéressée par le pouvoir ou le statut social et n’était donc pas considérée comme une menace par ceux qui essayaient de développer leur propre puissance et influence.
  • Son personnel était suffisamment bien connu et respecté par les responsables du pouvoir pour qu’elle ait la liberté de déplacement dans son travail et en même temps qu’elle puisse avoir de bonnes relations avec les villageois.

Ils voyageaient ensemble dans tout le pays, défiant les gens sur la façon dont ils considéraient leurs voisins. Dick et Judy les soutenaient dans leur travail.

Le message essentiel de Michel défiait les gens et les poussait à réfléchir plus profondément à ce que signifiait être chrétien au Rwanda. Il mettait l’accent sur l’idée qu’une nouvelle identité en Christ était plus importante qu’une identité ethnique (2 Corinthiens 5:17). En cela, Michel visait exactement le problème puisque la menace à l’identité ethnique était une des causes du conflit. A partir du moment où les gens commencèrent à comprendre que leur situation n’était pas seulement liée à leur origine ethnique, Michel les incitait à décider de l’effet que cette compréhension nouvelle pourrait avoir dans leur vie quotidienne s’ils choisissaient de la mettre en pratique. Il expliquait aussi clairement que si nos voisins ne nous soutiennent pas, nous ne devrions jamais, à notre tour, nous servir de cette excuse pour ne pas mettre en pratique ce dont nous sommes convaincus. Le résultat de cette «formation» fut que de petits groupes villageois prirent l’initiative de remédier à ce qui n’allait pas: des maisons furent reconstruites pour ceux qui étaient infirmes, des jardins cultivés pour les veuves, des plats préparés et emportés à l’hôpital pour les malades qui n’avaient plus de famille.

Soutien aux initiatives locales

Alors que les initiatives continuaient à surgir, de petits prêts permirent à des groupes d’acheter les outils et l’équipement simple dont ils avaient besoin. MOUCECORE embaucha un conseiller au développement pour aider les groupes à bien gérer les fonds. MOUCECORE organisait les prêts par le biais d’un comité local composé de responsables de l’Eglise auxquels on pouvait faire confiance. Le prêt maximum était de 300 $ et il était entendu que si ce prêt aidait à lancer une activité génératrice de revenus, le groupe s’engagerait à «rembourser» en aidant quelqu’un d’autre ayant des besoins semblables. Une grande confiance était accordée à ces groupes et la plupart la méritaient. Un groupe de jeunes gens vit que les infirmes de leur voisinage étaient dans une situation très difficile et décidèrent donc de leur enseigner à fabriquer des meubles pour les vendre au marché local. Peu à peu, la confiance et les activités se développèrent.

Après un tel conflit, les gens se trouvent pratiquement incapables de parler de leurs blessures émotionnelles profondes. Cependant, dans un programme organisé par African Revival Ministries, l’accent fut mis sur le travail en commun et la réparation de ce qui avait été démoli. A mesure que les gens travaillaient ensemble, ils découvraient que «leurs ennemis» avaient souffert et ressenti les mêmes choses qu’eux. Ceci fournissait la base d’une discussion sur la souffrance dans le cœur des gens. Peu à peu, cette discussion brisait le manque de confiance qui avait existé. Plus tard, le groupe bêchait et plantait les jardins des réfugiés d’un camp proche pour leur montrer qu’ils pourraient rentrer chez eux en toute sécurité.

L’impact de la réconciliation à travers ces initiatives est difficile à évaluer. La question est de savoir s’il y a un changement permanent dans l’attitude des gens envers ceux qu’ils considéraient auparavant comme leurs ennemis. Un signe sûr de réconciliation est lorsque quelqu’un accepte que ses moyens d’existence soient étroitement liés à ceux de son ennemi traditionnel: c’est ce dont nous avons été témoins dans les groupes établis par MOUCECORE.

Trouver une identité nouvelle en Christ est plus important que son identité ethnique.

Leçons apprises…

  • Les gens sont plus importants que l’argent à l’heure de la reconstruction d’après-guerre.
  • Les gens-clés sont ceux qui peuvent faire le lien entre ceux au pouvoir et les simples villageois.
  • Les programmes devraient encourager la confiance sociale.
  • Ecouter est une façon importante d’apporter la confiance et la sécurité, permettant ensuite d’approfondir les sujets à explorer.
  • Se rencontrer pour travailler ensemble peut aider à faire disparaître les tensions initiales qui existent entre les gens et leur apprendre à se connaître. Ceci peut conduire à des discussions qui ne seraient sans doute pas possible autrement.
  • Il est nécessaire de défier les gens pour qu’ils reconsidèrent ce dont ils étaient déjà convaincus, en particulier en ce qui concerne la base de leur identité et les choses qui, d’après eux, la menacent.
  • La responsabilité de trouver la solution doit toujours rester placée sur les gens qui sont engagés dans le conflit. Le rôle de la personne de l’extérieur est un rôle d’ami ou de facilitateur.
  • La vraie réconciliation prend du temps et ne doit pas être précipitée.

Ian Wallace est Dirigeant du Groupe des Services Internationaux chez Tearfund. Il possède une expérience de développement communautaire en Afrique Occidentale et de gestion de la réponse de Tearfund au conflit de l’Afrique Centrale.

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