Une expérience en Afrique du Sud
par Val Kadalie
’Dans un contexte africain il est peu courant d’avoir une structure d’accueil pour les personnes âgées.’ Alors que ceci est vrai dans le reste de l’Afrique, la situation en Afrique du Sud est très différente à ce sujet.
Perspective historique
L’Afrique du Sud est une jeune démocratie qui change rapidement. Avant 1994, les différents groupes de population comportaient d’énormes inégalités à tous les niveaux. Les façons de vivre des personnes âgées sud-africaines peuvent varier énormément ; une des différences essentielles est que les personnes âgées appartenant aux groupes riches préfèrent vivre indépendamment, alors que celles des familles plus pauvres tendent à vivre avec les générations suivantes.
La politique d’apartheid a transmis une grande inégalité, bien que la situation s’améliore lentement. Voici quelques exemples de ces inégalités:
- Avant 1994, le gouvernement ne se préoccupait guère de verser des pensions aux Noirs ou de financer leurs séjours nécessaires en maison de retraite. Ceux-ci vivaient dans une pauvreté extrême et cela continue souvent aujourd’hui.
- Il y a vingt fois plus de Blancs (10,5%) en maison de retraite que de Noirs (0,5%), bien que certains disent que ces chiffres se passent de commentaire quant à l’attitude des Blancs…
- L’Afrique du Sud n’a pas de système de retraite obligatoire. Peu de Noirs bénéficient d’une pension alors que la majorité des Blancs la perçoivent. L’Etat offre une allocation sociale à ceux qui atteignent l’âge de la retraite mais n’ont droit à rien, s’il est reconnu qu’ils n’ont pas suffisamment de revenus. La plupart des Sud-Africains âgés, dont 90% sont Noirs, dépendent de cette allocation d’environ 80$ US par mois.
- Les Noirs retraités subviennent souvent aux besoins des membres de leur famille qui n’ont pas de travail, et également à leurs petits-enfants. Il n’est pas rare d’avoir 7 à 9 personnes vivant de l’allocation mensuelle d’une personne âgée.
- Dans la société traditionnelle, les enfants sont la source de soutien la plus importante pour les vieilles gens: 90% des Noirs âgés vivent avec leurs enfants.
Regard vers l’avenir
Le problème de la pauvreté durant la vieillesse est très réel. L’économie sudafricaine ne pourra pas financer le nombre croissant de personnes âgées et leur priorité sera donc les plus pauvres. De nombreuses personnes risquent donc de ne pas être protégées.
Le nombre de personnes âgées passera sans doute de 2 millions actuellement à 3 millions dans les douze années à venir, et l’augmentation la plus rapide aura lieu parmi les femmes de 85 ans et plus. Les réseaux familiaux qui traditionnellement prennent les personnes âgées en charge sont confrontés à l’urbanisation rapide et aux défis post-apartheid; ils sont donc soumis à d’énormes pressions. Il se peut qu’ils n’aient que peu ou pas de ressources pour fournir une aide adéquate aux vieilles gens, surtout aux plus frêles et aux déséquilibrés mentaux.
Cependant, seulement 5% de toutes les personnes âgées sont très frêles ou gravement malades. Les personnes âgées constituent donc un énorme potentiel peu utilisé dans notre pays.
Lumière, couleur et bruit
Le GH Starck Centre à Cape Town a ouvert ses portes en 1982: une réponse miraculeuse aux prières offertes dans le contexte décrit cidessus et les conséquences des déplacements forcés de communautés entières, à cause de la loi «Group Areas Act». Ce centre a vu le jour grâce à la vision et la générosité de feu George Henry Starck, d’origine britannique, mais qui s’était installé en Afrique du Sud.
Nous pouvons accueillir jusqu’à 52 personnes âgées. Nous opérons un système familial parmi nos résidents, divisés en groupes familiaux d’environ dix personnes. Chaque famille a une matrone qui habite avec elle et qui est responsable de chacun des membres. Les matrones sont des femmes ordinaires faisant partie de la communauté.
Elles sont formées et chargées de s’occuper de tous les besoins des personnes âgées. Les soins médicaux restent la responsabilité du personnel de santé qualifié.
Notre centre est chaleureux, plein de lumière, de couleurs, de bruits et de possibilités diverses. Les maisons de retraite peuvent facilement se trouver isolées de la communauté. Pourtant, nous ne voulons pas que nos résidents deviennent les bénéficiaires passifs de nos soins, mais qu’ils devraient au contraire être informés et impliqués dans les problèmes communautaires.
Choix
Nous avons démarré de nombreuses actions qui ont apporté joie et espoir à des centaines de personnes âgées ici et dans d’autres centres.
Olympiatriques annuelles Ce nom amalgame les mots «olympique» et «gériatrique». C’est une journée de sport amusante pour les gens âgés de 60 ans et plus. Les activités vont d’une marche spectaculaire à des courses divertissantes, en passant par des sprints relais comprenant 45 à 50 équipes de vétérans de différentes maisons et clubs de retraite. Des activités spéciales pour les gens très frêles sont organisées en plus de celles destinées aux bien-portants.
Echanges de vacances Pendant cet événement annuel qui dure douze jours, nous échangeons littéralement les lits de nos résidents, avec d’autres situés dans d’autres résidences. Ceci s’est avéré être une excellente opportunité d’exposer les personnes âgées d’une communauté rurale à la vie urbaine et vice versa. Au cours des années, cette formule a conduit à de nouvelles rencontres amicales et même à trois mariages!
Habituellement, environ 80 à 90 personnes prennent part chaque année à cet échange. Chaque maison de retraite s’engage à organiser un programme complet d’activités et de visites sur des lieux d’intérêt, à la fois pour leurs propres résidents et pour leurs invités pendant la période de «vacances».
Concours de cuisine Les personnes âgées en maisons de retraite peuvent rarement pratiquer leur savoir culinaire traditionnel. Nous convions donc chaque année les membres d’autres maisons à un concours de cuisine. Les résidents sont invités à offrir les recettes de plats préférés qu’ils servaient jadis à leur famille. Douze de ces recettes sont ensuite sélectionnées par un expert en cuisine. Le concours a lieu devant un jury. Il se termine par la dégustation des plats préparés par nos résidents vétérans. Ces plats sont excellents et une revue familiale en publie les recettes.
Activités paroissiales Notre maison de retraite sert aussi de «foyer paroissial» à de nombreuses personnes de la communauté. Nous y faisons du catéchisme aux enfants, des études bibliques, des groupes de prières, des réunions de toutes sortes: pour les jeunes, anti-drogue ou spécifiquement pour les femmes. Nous attirons donc sans cesse la communauté entre nos murs et y sommes ainsi parfaitement intégrés.
Agents communautaires Nous avons formé certains membres de la communauté pour qu’ils nous aident à nous occuper des vieilles gens qui vivent chez eux, ou qui se remettent d’un infarctus, et qu’ils secondent aussi notre propre personnel ici au centre. Ce travail communautaire est essentiellement bénévole, bien que nous les rémunérions lorsqu’ils travaillent ici. Nous leur offrons un soutien professionnel, une surveillance, des ressources pratiques et la formation suivie dont ils ont besoin.
Réhabilitation après infarctus L’hôpital local est à court de personnel et très surchargé. Il ne peut pas offrir les soins de santé adéquats à nos personnes âgées.
C’est pourquoi nous avons monté un «club infarctus» joyeux et actif. Environ 40 à 45 personnes qui ont subi un infarctus viennent chaque semaine: la plupart sont des personnes âgées, mais nous avons aussi des jeunes gens qui ont subi un infarctus. Nous collectons nos fonds nous-mêmes afin de recruter des thérapeutes qualifiés. Le personnel du club est en grande partie bénévole; ils sont pour nous une bénédiction de Dieu.
Accueil de jour et formule répit Nous nous proposons de nous occuper des personnes âgées pendant la journée, de façon à ce que ceux qui s’occupent habituellement d’elles puissent continuer à travailler et subvenir aux besoins de leur famille. En plus, la formule «répit» permet à ces mêmes personnes, elles-mêmes parfois âgées, de se reposer un week-end ou même quatre semaines, pendant que nous accueillons «leurs» personnes âgées chez nous.
Projets de responsabilité sociale Les matrones encouragent leur «famille» à travailler ensemble pour économiser de l’argent pendant toute l’année pour les organisations charitables de leur choix. Ceci sert à rappeler aux résidents qu’ils ont encore un rôle important à jouer, et leur donne l’intime conviction qu’ils sont utiles et comptent dans la vie des autres.
Sida / VIH Notre maison de retraite est aussi une ressource pour les gens atteints du sida ou séropositifs. Une aide d’urgence est apportée à ceux qui sont désespérément dans le besoin, tandis que nous essayons de leur procurer le soutien dont ils ont besoin. Nous avons eu le privilège de travailler d’une façon pratique avec de nombreux adultes et enfants.
Activités avec les enfants Quelques écoles locales ont adopté notre centre. Nous avons une collection fascinante de très vieux objets divers et d’artisanat qui provoquent d’excellentes discussions avec les enfants sur la vie et les coutumes d’antan. Les enfants participent aussi beaucoup, comme bénévoles ou supporters, lors d’activités comme les Olympiatriques.
Choix nouveaux et vie joyeuse
Nous reconnaissons l’importance d’aider les personnes âgées à rester chez elles aussi longtemps que possible, en famille et dans la communauté. Mais aujourd’hui la réalité de la vie dans notre pays est telle que les structures d’encadrement n’existent tout simplement pas pour la majorité de personnes âgées. Bien que la générosité de GH Starck qui a créé cette maison n’existe peut-être pas autre part, les attitudes et les activités peuvent certainement être copiées et répétées n’importe où.
Nous sommes convaincus que le Christ promet une vie d’abondance à tout âge, y compris durant la vieillesse. Lorsqu’il est nécessaire à une personne âgée d’être admise dans notre centre, nous ne voulons pas que cette décision engendre le désespoir, mais bien au contraire l’occasion de choix nouveaux, de vie joyeuse et de choses nouvelles à apprendre.
Val Kadalie est une infirmière hautement qualifiée en gériatrie et qui est Dirigeante du Centre GH Starck pour la Cape Town City Mission depuis 17 ans. PO Box 36091, Glosderry 7702, Afrique du Sud.