Jude Collins
En 1991, l’effondrement de l’Union soviétique a entraîné un éclatement généralisé des ménages dans les pays de l’Asie centrale. De nombreux enfants ont alors été placés en orphelinat.
Un ami d’Asie centrale explique : « En une semaine, les gens ont tout perdu. Les usines ont fermé et il n’y avait plus d’argent pour payer les salaires. La situation était très difficile pour beaucoup d’hommes. Ils ont commencé à boire et se droguer. Les femmes ont soudain dû assumer la responsabilité de pourvoir aux besoins de leur famille, et beaucoup d’entre elles sont parties en Russie en quête de travail. Les enfants ont été laissés avec des parents proches, des voisins ou même des étrangers. Bon nombre d’entre eux ont fini dans la rue ou en orphelinat. Aujourd’hui, des milliers d’enfants vivent dans un orphelinat ou dans la rue. »
Lorsque les enfants atteignent l’âge de 16 ans, ils sont censés quitter l’orphelinat. Cependant, les aptitudes essentielles à la vie quotidienne leur font souvent défaut et ils n’ont nulle part où aller. Ils sont donc exposés à l’exploitation, à la traite et aux addictions. Certains n’ont pas de papiers d’identité. Ils n’ont donc pas accès au logement, à l’emploi, aux soins médicaux ou à l’aide juridique, et ne peuvent pas voter quand ils en ont l’âge légal. Beaucoup tombent dans la délinquance ou la prostitution, ou finissent dans la rue.
Une voix pour ceux qui ne peuvent se faire entendre
Genesis* a été la première organisation en Asie centrale à se préoccuper des questions auxquelles ces jeunes étaient confrontés. En travaillant étroitement avec les Églises locales, elle aide les jeunes à réintégrer la société. Elle offre un accompagnement, des formations, une orientation professionnelle et une aide juridique. Elle propose également une famille d’accueil aux jeunes en attendant qu’ils trouvent un logement.
Mais Genesis ne voulait pas se contenter de traiter les symptômes du problème. L’organisation a décidé de faire pression sur le gouvernement et de mener un plaidoyer pour les droits de ces jeunes (voir encadré ci-contre).
Au début, le gouvernement était méfiant et refusait d’écouter. Mais pendant six ans, Genesis a continué à faire pression et établi des relations solides avec les autorités locales et nationales. Leur persévérance a fini par payer. En 2016, elle a été invitée à contribuer à l’élaboration de nouvelles lois pour protéger les droits des enfants qui quittent l’orphelinat.
Encourager le placement en famille d’accueil
Une autre organisation, Transform*, gère un centre de crise pour enfants vulnérables. Ce centre accueille temporairement les enfants avant qu’ils puissent soit retourner dans leur famille, soit être placés en famille d’accueil. Lorsque Transform a débuté, le concept de famille d’accueil était nouveau dans les pays de l’Asie centrale. Beaucoup de gens mettaient en doute ce qu’ils faisaient. Mais Transform avait une vision claire : l’organisation souhaitait que tous les enfants qui ne pouvaient pas vivre avec leur famille biologique puissent vivre dans une famille d’accueil. Elle savait que leur gouvernement avait signé la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (voir page 3), rendant plus probable l’adoption d’une nouvelle loi nationale.
Le tournant a été amorcé lorsqu’un travailleur social a mis Transform en contact avec le ministère chargé de l’Enfance et des Affaires familiales. Transform a alors mis en place un réseau avec d’autres organisations intéressées par le concept de famille d’accueil. Ensemble, ils ont fait pression sur le ministère jusqu’à ce qu’une loi nationale soit votée, régissant toutes les questions liées au placement en famille d’accueil.
Aujourd’hui, Transform applique la loi en veillant à ce que les enfants de la ville aient tous un foyer. Chaque famille adoptive bénéficie d’une formation, d’un accompagnement et d’une aide financière par enfant.
Grâce à cela, pas un seul enfant de la ville n’a été placé en orphelinat au cours des dix dernières années.
S’exprimer pour les familles
Transform travaille également avec les Églises locales en amont, auprès des familles vulnérables, afin d’éviter l’éclatement familial. L’organisation propose un conseil psychosocial et des formations professionnelles, qui aident les familles à se stabiliser.
Le plaidoyer à l’échelle locale est un aspect important du travail de Transform auprès des familles. Elle aide ces dernières à retrouver les documents perdus, tels que les pièces d’identité et les titres de propriété. Elle rédige également des courriers à l’attention des autorités locales au nom des enfants dont l’accès à l’école a été refusé. Cela peut arriver lorsque les enfants n’ont pas de pièce d’identité, de vêtements ou de chaussures convenables, ou qu’ils n’ont pas suivi un enseignement préscolaire. Cela peut également être dû aux préjugés à l’encontre des familles pauvres. Parfois ces courriers sont efficaces et les autorités locales veillent à ce que les écoles acceptent ces enfants vulnérables.
Les organisations gouvernementales coopèrent désormais avec Transform lorsqu’elles ont connaissance d’enfants vulnérables. Elles considèrent l’organisation comme professionnelle et digne de confiance.
Principales leçons tirées
Appliquer les principes bibliques. Genesis et Transform sont motivées par le principe biblique suivant : « Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, protégez l’opprimé, faites droit à l’orphelin, défendez la veuve ! » (Ésaïe 1:17). Leur désir de partager l’amour de Dieu avec les plus vulnérables les incite à aller de l’avant, même lorsqu’elles rencontrent de l’opposition.
Faire participer l’Église locale. Cela augmente considérablement l’impact des petites organisations. Dans les pays de l’Asie centrale, de nombreuses familles chrétiennes accueillent des enfants vulnérables. Les membres des Églises enseignent de nouvelles aptitudes aux enfants des centres de transition, comme la cuisine et la couture. Ils leur offrent également une écoute et un accompagnement pastoral. Les avocats de l’Église offrent gratuitement leur temps et leurs compétences pour obtenir des pièces d’identité et défendre les droits des enfants.
Persévérer ! Il a fallu de nombreuses années à Genesis et Transform pour convaincre le gouvernement et d’autres organisations qu’il y avait un problème, et qu’elles souhaitaient sérieusement faire partie de la solution. Mais leur travail acharné et leur intégrité ont fini par porter des fruits. Elles peuvent désormais influencer l’élaboration des lois relatives aux enfants vulnérables aux niveaux local et national, et veiller à leur application.
Idées pour utiliser cet article
- En groupe, discutez des politiques établies par les décideurs locaux et nationaux pour la prise en charge des orphelins. Les approuvez-vous ?
- Pourriez-vous utiliser certaines des idées de cet article pour faire pression sur les décideurs au sujet des droits des orphelins ?
Vous trouverez des ressources gratuites en matière de plaidoyer sur www.tearfund.org/advocacy_toolkit.
Jude Collins est chargée de l’information pour les projets de Tearfund. Elle possède l’expérience du développement communautaire, acquise au Népal et au Honduras.
Email: [email protected]
*Les noms ont été changés.
Idées créatives pour faire pression sur les décideurs
Qu’est-ce que le lobbying ?
Le lobbying peut être décrit comme un « contact direct avec les décideurs ». L’objectif principal est d’influencer les décideurs pour provoquer des changements au niveau des lois, des politiques et des pratiques.
Exemples d’activités de lobbying :
- Rédiger une lettre
- Passer un coup de téléphone
- Organiser une visite ou une réunion
- Présider une visite ou une réunion
- Aider un décideur à rencontrer une communauté touchée par le problème.
Utiliser les jeux de rôle de manière créative : un exemple
Les membres du personnel de Genesis* ont été invités à défendre leur cause devant les parlementaires. Ils ont emmené avec eux des jeunes des centres de transition. Ensemble, ils ont présenté ce jeu de rôle très efficace :
- Une carte a été remise à chaque ministre. Sur chacune d’entre elle était notée une situation typique à laquelle un jeune peut être confronté après avoir quitté l’orphelinat.
- Les ministres ont été invités à jouer le rôle de ces jeunes.
- Les jeunes ont joué le rôle de fonctionnaires locaux (dans les domaines de la santé, du logement, de l’emploi, etc.).
- Les ministres se sont adressés aux « fonctionnaires locaux » et se sont vu refuser l’accès à la plupart des biens et services qu’ils ont demandés, car leur personnage avait un casier judiciaire ou n’avait pas d’argent, d’éducation, de pièce d’identité, etc.
À la fin du jeu de rôle, les ministres étaient très émus. Par la suite, ils ont constitué un groupe de travail pour examiner le problème de plus près.