La décision de partager les terres communautaires avec un investisseur est l’une des décisions les plus importantes qu’une communauté peut avoir à prendre. De bons investissements peuvent ouvrir la voie à un réel développement et à la prospérité de la communauté. Mais de mauvais investissements peuvent condamner une communauté à la pauvreté, s’accompagner d’une augmentation des cas de violation des droits humains, polluer localement les eaux et les sols, bloquer les routes d’accès, et même faire définitivement perdre leurs terres aux communautés.
Vous trouverez ci-après quelques conseils pour les facilitateurs communautaires qui ont des connaissances en matière de droits fonciers, pour aider les communautés à mener des négociations avec les investisseurs.
1. Informez les communautés de leurs droits légaux. Beaucoup de pays ont une législation nationale qui exige que les investisseurs consultent les communautés avant de lancer un projet d’investissement sur des terres communautaires. Il existe également des instruments internationaux qui protègent les droits des communautés (voir Comment connaître mes droits légaux ? pour plus d’informations).
2. Exigez des évaluations des retombées sur l’environnement, la société et les droits de la personne. Encouragez les communautés à exiger que les investisseurs potentiels ou le gouvernement financent un cabinet-conseil ou un groupe d’experts indépendants pour entreprendre une étude d’impact sur l’environnement (EIE), et une évaluation de l’impact sur les droits humains ou une évaluation de l’impact social (EIDH ou EIS). Celles-ci permettront aux communautés d’évaluer les incidences potentielles de l’investissement proposé, et ainsi de préconiser des modifications au projet dans le but d’en réduire les impacts négatifs.
3. Préparez les communautés à savoir quoi demander en échange de l’utilisation de leurs terres. Les facilitateurs doivent aider les communautés à exiger le paiement de mensualités qui reflètent la valeur de leurs terres.
En plus des paiements mensuels, les avantages suivants peuvent être demandés :
- des paiements périodiques, comme par exemple une part fixe des bénéfices annuels
- une clinique, des médicaments, des médecins et des infirmières
- une école, des livres et des enseignants
- l’électricité dans toutes les maisons
- la construction de nouvelles routes ou leur rénovation
- les télécommunications et l’accès à Internet
- des emplois pour un nombre précis de membres de la communauté
- des parts dans l’entreprise.
Si la communauté demande des prestations ponctuelles, comme une école ou une clinique, elle doit également penser à demander les enseignants, les médecins, les livres, l’électricité et les médicaments nécessaires pour que ces infrastructures fonctionnent efficacement.
4. Préparez la communauté à négocier avec les investisseurs. Les membres de la communauté ne doivent signer aucun document avant d’avoir sollicité les services d’un avocat pour comprendre ce que l’investisseur leur demande de signer.
Le facilitateur doit s’assurer que la communauté :
- pose à l’investisseur des questions spécifiques au sujet de ses projets et de ses activités
- demande des exemplaires de tous les documents dont dispose l’investisseur, p. ex. le plan d’affaires, les documents du gouvernement, etc.
- veille à ce que les dirigeants communautaires ne concluent aucun accord sans avoir au préalable consulté la communauté
- convienne d’un plan de négociation au sein de la communauté. Les membres doivent convenir ensemble de ce qui n’est pas négociable, comme par exemple le maintien de la propreté des eaux, et de ce qui est négociable, comme les prestations que l’investisseur devra financer.
- envisage la création d’un comité pour négocier au nom de la communauté, mais invite tous les membres de la communauté à être témoins des négociations
- prenne des notes détaillées de ce qui se dit lors de toutes les réunions de négociation.
5. Préparez un solide contrat écrit dont l’application pourra être exigée par un tribunal. Conseillez à la communauté :
- de travailler avec un avocat/juriste pour s’assurer que l’accord définitif reflète les négociations et protège les intérêts de la communauté
- de demander un bail à court terme en fonction de ce que l’investisseur acceptera (dans l’idéal, cinq ans) avec possibilité de renouvellement. Cela évitera à la communauté d’être piégée par un contrat de 50 ou 99 ans qui ne sert pas ses intérêts.
- de s’assurer que le contrat décrit clairement la manière dont l’investisseur doit protéger et préserver l’environnement.
Adapté du Guide de facilitation pour la protection des terres de la communauté de Namati.