Brian Polkinghorne nous a fait parvenir sa réponse intéressante au numéro 29. Voici quelques-unes de ses remarques accompagnées des commentaires de Simon Batchelor qui a écrit l’article en première page de Pas à Pas 29.
Brian: Merci pour ce numéro comme toujours stimulant de Pas à Pas. Celui-ci a pourtant soulevé plus de questions sur la participation qu’il en a résolu! Mon expérience me fait dire que le développement «de bas en haut» est aussi peu efficace que celui «de haut en bas» est élitiste. En tant que pasteur ordonné, possédant une formation agricole, j’ai travaillé sur les questions de développement en Tanzanie pendant plus de 14 ans et j’ai récemment mis dans les mains des gens que j’enseignais un projet de reboisement très stimulant. Dans votre article, la première phrase insiste sur l’importance de donner à chacun la possibilité d’exprimer son opinion. Mon expérience m’a enseigné qu’il est très difficile pour les femmes de participer de façon significative et de partager leurs idées.
Simon: C’est précisément le but de cette approche participative d’aider les marginaux à faire entendre leur voix. Si les femmes ne peuvent pas parler en public, il faut faire preuve d’imagination et trouver des façons de connaître leurs points de vue. Jusque-là, des soi-disant experts ont parlé en leur nom, mais souvent avec une échelle de valeurs totalement différente de celle du village. Certaines actions ont été mal interprétées et ont fait plus de mal que de bien et elles ont parfois créé des conflits. Nous sommes appelés à être des conciliateurs. Jadis, des «experts de développement» ont confectionné des solutions avant même que les gens n’aient défini les causes de leurs problèmes et, naturellement, une fois les experts partis, le village retourne tranquillement à ses vieilles habitudes parce qu’il n’a pas réellement voulu ces changements.
Brian: Les villages que je connais bien sont pleins de rivalités personnelles et de conflits. Les structures traditionnelles du pouvoir et les systèmes de classes sociales limitent très sévèrement le potentiel de participation réelle.
Simon: Nous devons accepter que l’humanité est déchue et que l’égoïsme est présent dans toute société. Les approches participatives impliquent souvent la responsabilité publique et, dans une société imparfaite, la responsabilité publique est une des rares façons de réduire corruption et conflit.
Brian: Je suis totalement d’accord qu’un développement viable ne peut venir que d’actions communautaires, mais je ne suis pas sûr que l’action doive toujours et seulement être «entreprise» par la communauté elle-même. Par exemple, quand vous avez un village avec des habitants qui n’ont voyagé qu’un ou deux jours à vélo de l’endroit où ils sont nés, et qui n’ont pas de journaux, peu de radios, un niveau d’éducation très bas et un niveau de conscience du milieu écologique encore plus bas, sans oublier leur gouvernement qui leur a toujours dit ce qu’il fallait penser et faire, comment voulez-vous qu’ils puissent avoir des idées ou être stimulés pour sortir de leur situation fâcheuse?
Je pense que, dans ce cas, on a besoin d’un apport extérieur. On pourra peut-être ensuite voir apparaître quelques signes de développement viable.
Simon: Le processus ne commence que lorsque les gens sont conscients de leurs besoins, ou sentent que quelque chose ne va pas. Vous avez raison de dire que ces gens n’ont sans doute pas l’expérience nécessaire pour évaluer la racine du problème, ou pour trouver une bonne solution. Mais cela ne doit pas nous empêcher de commencer par leur propre analyse de leurs problèmes. APA encourage ensuite la société à chercher la cause principale et la solution.
Brian: Si chaque société est si différente dans son tissu sociologique, économique, politique et religieux, comment une seule approche comme APA pourrait-elle être, dans plusieurs sociétés, la solution qui pourrait aider les gens à faire le pas suivant dans leur développement? Par exemple, pour la vaste majorité des Africains vivant en milieu rural, je suis sûr qu’une approche APA pour la constitution de cartes et de croquis ne marchera pas parce que les gens là-bas n’utilisent pas de cartes. Encourageons plutôt les expériences nouvelles et la diversité. Pourquoi Dieu a-t-il rempli le monde de tant de formes et styles de vie différents? N’est-il pas lui aussi en faveur de la diversité?
Simon: Je suis d’accord que tous les outils ne sont pas applicables à toutes les sociétés. Au Cambodge, des villageois ont créé eux-mêmes des jeux nouveaux pour se transmettre des principes. Ils ont créé de nouveaux outils pour s’assurer que tout le monde participe et comprend. Nous ne devrions pas confondre outils et principes de participation. Nous travaillons pour que les gens comprennent mieux le sens de la vie, la valeur réelle de l’univers et qu‘ils développent leurs capacités à créer. Quel meilleur mécanisme existe-t-il pour encourager la diversité que d’être impliqué dans le processus d’identification et de résolution d’un problème?