par Rosalyn Rappaport.
Lorsque je dis que j’ai écrit un manuel sur la protection des récoltes en Afrique, les visages s’assombrissent. Mais quand j’ajoute qu’il comprend de nombreuses bandes dessinées, ils s’éclairent à nouveau.
Les bandes dessinées de mon livre sont là pour un rôle bien précis. Tous les livres qui donnent des conseils sur l’agriculture ont pour point central le processus qu’ils expliquent; sur les illustrations l’agriculteur apparaît comme une paire de mains occupée à se servir d’un outil ou d’une houe. Sur les photos l’agriculteur suit des instructions, pour donner l’exemple. Le conseiller est considéré comme le héros qui apporte des idées nouvelles.
Ceci s’érige en problème lorsqu’on ne croit pas aux conseils présentés. ‘Qui est cet homme?’ demande peut-être l’agriculteur. ‘Connaît-il notre terre? Est-il lui-même agriculteur?’ Il reste toujours un doute dans l’arrière-pensée de l’agriculteur: aussi expert et bien pensant que soit cet expert, un étranger peut-il vraiment connaître la situation locale?
En Mauritanie, les chauffeurs de notre projet nous ont donné leur avis sur le travail de mon dessinateur Mohammed et le mien après que nous leur ayons montré la première page de l’histoire mettant en scène l’agriculteur Ali et sa femme Miriam. Nous étions, ont-ils déclaré, très sensés de demander enfin directement à ceux que cela concerne leur avis sur le travail que nous étions venus faire. ‘Ces gens-là’, annonça Alesane, plaçant son index sur le dessin de Mohammed, ‘savent vraiment ce que le travail implique.’ Les bandes dessinées sont primordiales dans le livre, car elles placent l’agriculteur au centre du processus d’information et de conseil.
Mais l’agriculteur n’agit pas seul. La famille, les voisins, et les expériences proches ou lointaines sont autant d’influences sur lui. Donc, la bande dessinée met en jeu toute une famille, où tous travaillent, et où le père figure tantôt comme le héros, tantôt comme le sot. Les bandes dessinées montrent ce qui arrive aux conseils techniques quand ils se divulguent au village. Devrait-on les appliquer tels quels ou les adapter? Et qui les adapte? Les accidents heureux sont-ils utiles? Les bonnes idées viennent-elles des bureaux régionaux d’agriculture ou des fermes? Qui devrait faire des conférences, et qui devrait écouter?
Les bandes dessinées comiques provoquent bien des commentaires et histoires. Les personnages nous ressemblent: ils ont des problèmes d’argent et des inquiétudes quotidiennes. Pourtant les oiseaux et les insectes leur parlent et se parlent entre eux. Sans aucun effort les bandes dessinées peuvent inclure toutes sortes de faits scientifiques de façon amusante.
Elles ont aussi d’autres usages. Elles peuvent être, pour les agents du développement, une façon divertissante de commencer une visite. Elles fixent un fait ou une technique dans la mémoire des gens. Une histoire peut aussi en encourager d’autres. Si un agriculteur ne sait pas lire, les enfants de la maison peuvent peut-être l’aider, ou quelqu’un d’autre du voisinage.
Y a-t-il dans votre communauté des gens capables de dessiner des bandes de ce type? Pensez à l’usage que vous pourriez en faire dans votre travail. Les bandes dessinées de Rosalyn (critique du livre page Ressources) peuvent être photocopiées dans un but éducatif.
Rosalyn Rappaport a travaillé pour USAID (Agence des Etats-Unis pour le Développement International) comme agent au développement. Elle a aussi travaillé dans le domaine de l’horticulture en Zambie et en Mauritanie. Une deuxième bande dessinée sur le stockage et le traitement des récoltes est en projet.