Comme toutes les ethnies de l’Afrique, les Lyélé du Burkina Faso emploient souvent des proverbes pour exprimer les valeurs et la sagesse reçues de leurs ancêtres. Faire le premier pas soi-même, compter d’abord sur ses propres ressources est un principe fondamental de la société Lyélé, principe qui devrait aussi être à la base de toute activité de développement.
Les Lyélé forment un groupe d’environ 200.000 personnes qui habitent dans les savanes du Burkina Faso. Le pays, qui compte une cinquantaine de langues, met l’accent sur l’alphabétisation en langue maternelle comme un élément très important du développement des régions rurales. Actuellement quinze langues sont employées pour l’alphabétisation. Dans les trois dernières années le nombre de centres d’alphabétisation, et de personnes apprenant à lire et à écrire, a triplé, montrant combien le gouvernement tient à ces programmes.
Nous avons demandé à M Tiassaye Ziba, Directeur Provincial de l’Enseignement de Base et l’Alphabétisation de Masse, de nous décrire brièvement quelques éléments du programme national qui aident à l’alphabétisation des Lyélé…
Q Comment fonctionnent les centres?
Nous avons maintenant 89 centres, dont 27 ont été ouverts par les missions et églises et par d’autres organismes privés. Ces centres dispensent l’alphabétisation initiale et une formation complémentaire de base.
L’alphabétisation initiale dure 300 heures et comporte de la lecture, de l’écriture, du calcul et de la gestion de petites entreprises. Il existe trois formules de formation…
Intensive 48 jours
Semi-intensive 75 jours
Etalée 100 jours
Les campagnes d’alphabétisation ont lieu pendant la saison sèche quand les gens sont plus ou moins libres des travaux champêtres.
La formation complémentaire dure normalement cinq semaines et cherche à renforcer et à développer les connaissances acquises lors de la phase initiale.
Q Que faites-vous pour promouvoir l’établissement des centres de formation et pour motiver les gens à s’y inscrire?
Nous avons un comité constitué par les responsables de divers services, les organisations non-gouvernementales, et les autorités religieuses. Des membres de ce comité se rendent dans les villages ayant des associations villageoises ou autres unités économiques. Les avantages de l’alphabétisation sont présentés aux populations locales à travers des séances d’explications et de démonstrations lors de rencontres ou d’occasions spéciales, comme par exemple une semaine nationale de l’alphabétisation, des journées provinciales de l’alphabétisation, des fêtes marquant la fin d’une campagne d’alphabétisation etc.
Q Comment assurez-vous le recrutement et la formation des enseignants?
Les enseignants sont recrutés parmi les membres d’organisations et d’églises qui encouragent l’alphabétisation. La formation est assurée dans un centre provincial.
Q Comment sont produits les documents pour l’alphabétisation?
Plusieurs groupes travaillent à la production des ouvrages pour l’alphabétisation comme L’Institut National d’Alphabétisation, The Summer Institute of Linguistics (SIL), le Département de l’Alphabétisation de Masse, et un groupe des Pays-Bas. Les néo-alphabètes eux-mêmes participent à la production de documents nouveaux grâce aux textes qu’ils écrivent dans le cadre d’un concours annuel, que nous organisons pour les encourager à écrire en leur langue.
Nous produisons aussi un bulletin trimestriel avec l’appui de SIL.
Pour encourager l’auto-suffisance à tous les stades de la production d’une littérature écrite, tous les documents de post-alphabétisation sont produits sur place par des gens qui parlent la langue en question.
Q Quel est le rôle des églises et des missions dans l’alphabétisation?
Les missions et les églises appliquent dans leurs centres le programme officiel d’alphabétisation. Nous formons les enseignants ou animateurs et les superviseurs choisis par les églises et les missions, et assurons chaque année l’évaluation finale de leurs centres. Elles équipent leurs centres et paient leurs enseignants et leurs superviseurs selon leurs moyens.
Nous devons beaucoup aux missions et églises dans le rayonnement de notre activité d’alphabétisation. Elle contribuent à la sensibilisation, elles soutiennent la post-alphabétisation, elles soutiennent cette politique de compter d’abord sur ses propres ressources.
Q Compter d’abord sur ses propres ressources implique une participation active de la part de la communauté au financement des activités d’alphabétisation. Quelle est votre expérience dans ce domaine?
C’est un problème d’option, de choix des responsables chargés de promouvoir l’alphabétisation. Lors de la négociation qui précède l’ouverture d’un centre, les villageois et l’équipe du comité provincial de soutien signent un contrat: le groupement s’engage à payer une partie (normalement 20%) de la prise en charge de l’animateur. Le groupement se charge également de rechercher le local qui va les abriter et s’organise pour la nourriture de ses auditeurs. Les auditeurs achètent leurs propres fournitures (cahiers, bics, crayons, gommes, règles).
L’Etat ou les autres intervenants sont sollicités pour une partie de la prise en charge financière de l’animateur, la production de documents pédagogiques et l’équipement en tables, chaises et tableaux des centres.
Nous laissons le choix aux missions religieuses de s’organiser selon leurs moyens. Nous exigeons d’elles seulement le respect du programme national d’alphabétisation.
J’aimerais aussi ajouter que nos premiers contacts avec Pas à Pas ont été très enrichissants. Les questions abordées sont simples, claires et compréhensibles ainsi que réalistes et pratiques, à mon avis. Nous désirons à travers ce numéro et avec Pas à Pas aller de l’avant dans la recherche de solutions aux problèmes de développement.
Q Et les participants aux activités d’alphabétisation eux-mêmes, comment voient-ils la valeur de ce qu’ils font?
Voici des messages d’encouragement délivrés récemment par deux animatrices de centres d’alphabétisation…
‘Pères, mères, soeurs, unissons-nous pour que l’apprentissage de la lecture en Lyélé aille de l’avant. Consacrons le temps qu’il faut pour apprendre à lire, à écrire et à faire du calcul en Lyélé. Pourquoi? Parce que nous savons que le fait de savoir lire en Lyélé nous aide en toutes choses: cela nous ouvre les yeux, développe notre intelligence, et nous aide à relever la tête. Nous savons que certains Lyélé pensent que l’apprentissage de la lecture ne peut pas les aider. Faisons tout notre possible pour donner à ces gens de bons conseils afin que leur intelligence puisse s’éveiller et qu’ils découvrent la valeur du savoir lire en leur langue.’
Sophie Kando
‘Ecrire et lire sa propre langue est une bonne chose pour tout le monde. Avant d’apprendre à lire en Lyélé nous ne savions rien. Nos cerveaux étaient clos. Mais maintenant nous avons changé notre façon de voir les choses. Tout cela c’est vous qui nous l’avez enseigné: le Lyélé écrit, devenir des personnes plus ouvertes; nous ne savions pas que notre langue pourrait être un jour reconnue. Mais Dieu vous a inspiré, vous, nos enseignants, à nous apprendre à lire et à écrire notre propre langue, car c’est une bonne chose. Nous ne sommes plus comme avant, nous avons changé et nous pouvons maintenant ramener sur le droit chemin, quiconque s’est égaré.’
Georgette Kanko
Compilé par Ron et Lyn Stanford qui ont une grande expérience de traductions bibliques et travaux d’alphabétisation. Ils travaillent à présent pour The Summer Institute of Linguistics, BP 50, Réo, Burkina Faso.