par le Dr Steven Arrowsmith.
Récemment, les questions de santé féminine ont commencé à recevoir l’attention bien méritée de la communauté internationale. Pourtant, une des plus grandes tragédies à laquelle les femmes des pays en développement doivent faire face reste relativement peu connue. On sait très bien que les femmes des pays les plus pauvres du monde encourent un risque effroyable de mourir durant leur accouchement. Cependant pour chaque femme qui meurt en couches, il y en a beaucoup plus qui sont blessées.
Danger à l’accouchement
Parmi les blessures à l’accouchement, la plus dévastatrice est la fistule obstétrique. Cette blessure peut se produire si, pour une raison quelconque, un accouchement très long n’est pas traité. Pendant de nombreuses heures ou même parfois plusieurs jours, la tête du bébé frotte contre les tissus du bassin de la mère et arrive finalement à interrompre le flot sanguin vers ces tissus. Bientôt ces tissus meurent laissant un gros trou passant directement du vagin à la vessie ou même au rectum. Il en résulte des fuites permanentes et constantes d’urine (provenant de la vessie) ou même des selles (provenant du rectum).
Rejet
Dans plus de neuf cas sur dix, le bébé ne survit pas à ce long accouchement. En plus, la victime de cette horrible blessure va souvent se trouver rejetée par son mari et sa famille, car dorénavant elle sentira sans cesse l’urine. L’accouchement qui ne peut avoir lieu par les voies naturelles est plus courant chez les jeunes femmes qui n’ont pas encore atteint leur totale maturité physique. Souvent, ces adolescentes de 15 ou 16 ans se retrouvent très jeunes, devant la mort de leur premier bébé, brisées par l’abandon de leur mari et de leur famille, et face à l’avenir incertain d’une longue vie, séparées de tout ce qui leur avait été cher.
Progrès médicaux
Personne ne sait réellement le nombre exact de victimes de fistule dans le monde. On pense que l’Afrique en compte 1,5 à 2 millions à elle seule. Jusqu’au début de ce siècle, la fistule obstétrique était redoutée dans le monde entier. Le premier hôpital spécialisé dans ce problème et construit au dix-neuvième siècle, à New York, spécialement pour ces femmes, en a accueilli et soigné des milliers. Mais les progrès médicaux en matière d’accouchement ont fait que ce problème a quasiment disparu des pays riches du monde. Malheureusement ces progrès n’ont pas atteint les pays pauvres. Dans les régions les plus démunies d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine, il y a des millions de femmes qui vivent cette tragédie et souffrent en silence.
Le coût des soins
Pourquoi ce problème est-il si courant? En général, la cause est économique. De nombreux pays n’ont tout simplement pas les moyens d’avoir des centres de santé bien équipés en matériel et en personnel pour que les femmes, qui se trouvent face à un problème de ce type, puissent y accoucher par césarienne. Ces pays n’ont pas non plus les moyens de développer un système de bonnes routes ou de transport qui puissent permettre aux femmes de s’y rendre en urgence si nécessaire.
Pressions
Les facteurs culturels sont également importants. Certains groupes ethniques pratiquent des mariages précoces, ce qui augmente le risque d’accouchement impossible naturellement. En effet, quand la mère n’a pas atteint sa pleine maturité physique, il n’y a tout simplement pas assez de place dans la région pelvienne pour que le bébé puisse naître normalement. Dans certaines cultures, la mère est soumise à d’énormes pressions pour que le bébé naisse à la maison. La mère qui se rend a l’hôpital pour son accouchement est souvent considérée comme étant faible ou anormale. Elle choisit donc de souffrir, sans assistance, chez elle. L’excision féminine, lorsqu’elle consiste en la plus radicale infibulation, peut causer d’horribles cicatrices qui empêchent aussi l’accouchement normal.
Comment aider pratiquement?
La réparation des fistules obstétriques peut être difficile, mais un chirurgien expérimenté peut avoir 90% de succès après une seule opération. Une réparation réussie demande la fermeture du trou créé lors du long accouchement, afin de restaurer les fonctions normales de la vessie. Ces victimes souffrent souvent d’autres complications comme par exemple des difficultés nerveuses pour marcher, l’infertilité due à un utérus abîmé, et l’impossibilité d’avoir des relations sexuelles avec leur mari à cause des blessures et cicatrices de leur vagin. Le chirurgien doit donc être prêt à solutionner les divers aspects des besoins des victimes. Un gros effort se fait à présent pour essayer d’organiser un réseau de centres de formation qui permettent aux médecins qui travaillent sur ces cas de fistules d’obtenir une formation adéquate sur ces techniques particulières.
Très peu d’hôpitaux
Dans les pays en développement, le traitement des fistules se fait dans les hôpitaux de soins généraux. Il existe dans le monde très peu de centres spécialisés pour soigner ces maladies spécifiques. Des hôpitaux traitant les fistules obstétriques fonctionnent en Ethiopie, au Soudan et au Nigéria. Pourquoi y a-t-il si peu d’hôpitaux de ce type? La plupart du temps, les femmes sont si pauvres qu’elles ne peuvent pas payer les frais d’hôpital et une aide spéciale est par conséquent généralement nécessaire. Ceci veut dire que ces hôpitaux doivent sans cesse demander une aide financière à leur gouvernement ou à des donneurs privés pour pouvoir aider leurs malades. Ces hôpitaux ne seront jamais économiquement indépendants.
A l’hôpital spécialisé en fistule d’Addis Ababa, nous avons effectué plus de 13 000 réparations de fistules depuis 1974. Notre personnel très efficace se compose essentiellement de patientes qui n’ont pas été totalement guéries lors de leur séjour chez nous. Nos malades viennent de l’Ethiopie entière et d’autres pays de la Corne d’Afrique. Elle viennent à pied de leur village, marchant souvent plusieurs jours pour atteindre la route la plus proche qui les conduira à Addis Ababa. Nous formons des gynécologues venant de notre propre école de médecine et des médecins qui viennent du monde entier pour apprendre la chirurgie relative aux fistules.
L’espoir de santé
Aucun travail ne saurait être plus gratifiant que celui d’aider par amour ces femmes qui pendant si longtemps n’avaient pas d’espoir. Un seul voyage jusqu’à notre hôpital permet à la majorité de ces femmes de retourner chez elles guéries et de mener une vie normale. Nous espérons et prions pour que l’attention nouvelle qui est portée sur le sort des femmes dans les pays en développement apporte des améliorations dans les services d’accouchement du monde entier et fasse que les fistules deviennent une maladie du passé. En attendant, nous espérons que de nombreux hôpitaux comme le nôtre voient le jour et que des milliers de chirurgiens dans le monde entier reçoivent une formation adéquate et les moyens nécessaires pour lutter contre cette grande tragédie humaine.
Dr Steven Arrowsmith, Addis Ababa Fistula Hospital, PO Box 3609, Addis Ababa, Ethiopie.