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Pompes manuelles : une bataille perdue d’avance ?

Daniel Schotanus.

2002 Disponible en Anglais, Français, Espagnol et Portugais

Photo : Mike Webb/Tearfund

De : L’eau – Pas à Pas 51

Améliorer l’accès à l’eau potable en quantité suffisante

Daniel Schotanus.

Photo: Jim Loring/Tearfund

Photo: Jim Loring/Tearfund

Pourquoi entend-on si peu parler du succès des pompes manuelles? Dans les premières phases de l’organisation, de la construction et de l’utilisation initiale de ce type de pompes, on parle de nombreux succès. Cependant, il existe peu de rapports décrivant l’état des pompes manuelles après trois, cinq ou même dix ans d’utilisation. Est-ce parce que le suivi et l’évaluation sont quasi inexistants? L’intérêt a-t-il été reporté sur d’autres projets ou d’autres régions? Ou est-ce parce que les projets de pompes manuelles n’ont eux-mêmes été qu’un succès à court terme?

La plupart d’entre nous qui travaillons à l’amélioration de l’approvisionnement en eau connaissons bien le triste spectacle qu’offrent ces pompes à eau cassées et abandonnées. On ne peut que se souvenir d’un temps lointain où la pompe fut fièrement présentée à la communauté. Une personnalité locale avait probablement actionné la pompe par quelques gestes vigoureux et déclaré solennellement qu’on allait gagner la guerre contre la famine, la maladie et la pauvreté. Mais l’eau claire qui jaillissait alors n’est plus qu’un souvenir pour les gens locaux et une photo dans le rapport final du projet.

En décembre dernier, je suis retourné dans un programme d’eau géré par une ONG éthiopienne, huit ans après avoir travaillé avec eux. Je me suis assis pour bavarder avec mes collègues d’antan et j’ai discuté du bon temps passé ensemble. Bien sûr, nous avons parlé travail et nous avons bien dû admettre que notre rêve d’il y a dix ans – voir proliférer les pompes manuelles avec l’encouragement des ONG et le finance-ment des communautés – ne s’était pas réalisé. L’idée du développement viable de l’eau n’avait pas eu les résultats escomptés.

Nous sommes allés voir une des premières pompes manuelles installées par le programme 12 ans auparavant et l’avons trouvée bien protégée dans son enclos et encore utilisée. Mais bien d’autres pompes n’avaient pas connu le même succès : certaines étaient cassées, d’autres n’avaient pas été entretenues par le comité d’entretien et parfois la communauté avait négligé de payer ses contributions financières. Ces problèmes soulèvent un nombre important de questions que nous devons considérer avant de décider si oui ou non les pompes à eau sont une option valide pour la communauté.

Niveau de service adéquat

Les chercheurs en approvisionnement en eau proposent une échelle utile pour décrire le niveau de l’approvisionnement en eau. Les sources traditionnelles d’eau sans aucune amélioration, par exemple rivière, mare, trou d’eau, puits peu profond sans revêtement ou source non protégée, sont considérées comme niveau zéro. Le premier niveau d’amélioration correspond aux sources précédentes améliorées de façon simple pour protéger la source contre la contamination. On peut par exemple ajouter un revêtement, utiliser un seau et une corde ou protéger la source. Ceci peut déjà améliorer la qualité de l’eau de façon significative. Les pompes manuelles apparaissent au deuxième niveau sur la liste où figurent six niveaux.

Les pompes manuelles offrent une protection accrue, davantage d’eau et une façon plus facile d’obtenir de l’eau (par pompage). Le couvercle du puits fermé protège l’eau de toute contamination extérieure. La quantité d’eau varie suivant le type de pompe utilisé, la profondeur de la nappe phréatique et la force physique de l’utilisateur. Les pompes à main peuvent normalement fournir 0,5 à 1 m 3 d’eau par heure et un enfant de 10 à 12 ans devrait avoir assez de force pour l’activer.

De plus hauts niveaux de service comme par exemple des bornes-fontaines publiques, des robinets extérieurs et des branchements à l’intérieur des maisons fournissent plus d’eau et un plus grand confort mais à des coûts beaucoup plus élevés. Ces systèmes nécessitent des ressources économiques et techniques considérables et sont normalement au- dessus des moyens des utilisateurs et des autorités sensées les établir et les entretenir.

Echelle de service pour l’approvisionnement en eau

Niveau

Type de service

Litres d'eau utilisés chaque jour par chaque utilisateur

Coût

5

branchement individuel

100-150

élevé

4

robinet dans la cour

50-100

élevé

3

bornes-fontaines

10-40

modéré

2

pompe à eau manuelle

10-40

bas

1

traditionnel amélioré

10-40

trè bas

0

traditionnel

10-40

trè bas

Arlosoroff (1987)

Fonctionnement et entretien au niveau du village

Au cours des 15 dernières années, c’est le fonctionnement et l’entretien des pompes manuelles par les villages eux-mêmes qui sont devenus un paramètre clé pour la conception de la pompe. De nombreux fabricants différents se sont appropriés ces critères pour vendre « leur » pompe. C’est en fait la Banque mondiale qui a promu ce concept en s’appuyant sur les critères suivants:

  • Entretien facile par un gardien du village, nécessitant un savoir-faire manuel élémentaire et peu d’outils
  • Fabrication locale dans le pays, pour pouvoir se procurer facilement des pièces de rechange
  • Solide et fiable sur le terrain
  • Rentable.

Ce principe de fonctionnement et d’entretien basé au village s’applique aussi à la gestion des pompes à main. Cela veut dire que la communauté doit assumer la prise en charge de leur utilisation et de leur entretien. Cette prise en charge signifie que la communauté :

  • décide des dates et de la fréquence d’entretien des pompes
  • choisit les ouvriers qui s’en chargent
  • paie les factures d’entretien.

Les échecs des pompes manuelles

Notre projet en Ethiopie fonctionnait avec une équipe d’entretien locale. Après l’installation de plusieurs pompes, le projet a continué à employer cette équipe parce que

  • Les gardiens du village ne faisaient souvent aucune révision préventive des pompes et attendaient tout simplement que les problèmes apparaissent.
  • Les pièces de rechange étaient souvent introuvables.
  • Les pannes étaient trop sérieuses pour être réparées par les villageois.
  • C’était contre l’intérêt financier de l’équipe d’entretien du projet de donner la responsabilité aux communautés locales.

A la fois en régions rurales et urbaines, de nombreux gardiens font très attention à l’argent et pensent qu’il n’y a pas besoin de remplacer une pièce si elle marche encore. Et ceci signifie que certaines pièces ne sont pas remplacées avant qu’elles ne causent de sérieux problèmes ou qu’elles soient totalement hors d’usage. Il se peut aussi que les pièces de rechange ne puissent pas s’obtenir localement et sans elles on ne peut pas faire l’entretien préventif.

Pourtant, suivant la fréquence d’utilisation de la pompe, toutes les pièces devront être remplacées un jour ou l’autre car elles s’usent toutes. La pompe peut encore être utilisée même si une petite pièce s’est usée ou s’est cassée mais cela risque de causer d’autres dommages plus sérieux et même permanents qui nécessiteront une aide extérieure et coûteront peut-être très cher à réparer.

Si des fonds sont disponibles pour une équipe centrale d’entretien, les réparations d’urgence pourront se faire et les communautés continueront à bénéficier des pompes en bon état de marche (si, évidemment, l’équipe d’entretien fait du bon travail ! ). Mais, généralement, les fonds nécessaires pour financer cette équipe ne durent pas.

En Ethiopie, le gouvernement et les ONG ont trop compté sur la bonne volonté initiale des communautés à contribuer à leur approvisionnement en eau. Les fonds venant de l’extérieur et la nécessité de résultats rapides signifient souvent qu’on ne passe pas assez de temps à susciter la participation et à renforcer les compétences des gens locaux.

Souvent, on peut dire que la communauté « possède » le projet seulement dans le sens où elle a reçu le « don » de la pompe déjà construite. On passe trop peu de temps à faire en sorte que la communauté gère le processus de planification et de mise en oeuvre et qu’elle prenne responsabilité du projet dès le départ. Les contributions locales se limitent souvent aux heures de main-d’oeuvre et à l’offre de matériaux de construction ou de nourriture. Mais qui peut accuser les communautés locales lorsqu’elles hésitent à contribuer à quelque chose qui ne semble pas être à elles?

Les recherches faites par les étudiants éthiopiens de l’Institute for Water Education d’IHE-UNESCO suggèrent que les communautés sont généralement capables de payer leur propre système d’alimentation en eau. La contribution nécessaire à l’entretien de ces systèmes est généralement beaucoup moins d’1% du revenu annuel, ce qui devrait être acceptable même si l’on a tout juste de quoi vivre. C’est seulement en temps de crise que les gens ne peuvent pas payer.

Il faut absolument reconsidérer nos approches. Il existe de bonnes pompes manuelles et il y a aussi des solutions techniques. C’est la gestion des pompes qui constitue le vrai problème. Pour que le fonctionnement et la gestion puissent être effectués correctement au niveau du village, il faut donner aux villageois les capacités nécessaires pour le faire : ils ont besoin d’une formation pour gérer les fournitures, les pièces de rechange et les finances. Il faut que notre organisation et notre soutien soient à l’égal de la bonne volonté participative des communautés.

Daniel Schotanus travaille au Department of Management and Institutions, IHE-UNESCO Institute for Water Education, PO Box 3015, 2601 Delft, Pays-Bas. Il a de nombreuses années d’expérience comme ingénieur hydraulicien en Ethiopie. E-mail : [email protected] Site internet IHE : www.ihe.nl  

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