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Artisans de la paix en action – Deux hommes qui travaillent dans des régions du monde différentes nous racontent les actions concrètes qu’ils ont menées en faveur de la paix

Au début des années 1990, de violents affrontements ont eu lieu entre deux groupes ethniques dans le nord-est de l’Inde

2014 Disponible en Anglais, Français, Portugais et Espagnol

Dheve Chantal et ses trois enfants assis à l'extérieur d'un abri temporaire dans un camp pour personnes déplacées en République démocratique du Congo.

De : Conflits et paix – Pas à Pas 92

Suggestions pour analyser et résoudre les conflits en facilitant le dialogue et en recherchant la paix

Bann Makan

Nord-est de l’Inde

Au début des années 1990, de violents affrontements ont eu lieu entre deux groupes ethniques dans le nord-est de l’Inde. Les tribus kuki (qui parlent thadou) et naga étaient les principaux groupes impliqués. Depuis des générations, il y avait des tensions et de la concurrence entre ces groupes par rapport à la propriété et l’utilisation des terres. Mais lors de cette nouvelle éruption de conflit, les violences ont atteint un niveau sans précédent et se sont répandues dans l’ensemble de l’État.

Bann Makan raconte... 

Nous vivions sur 60 hectares magnifiques de collines vallonnées, à 30 km d’Imphal. Nous avions établi un centre de formation pastorale et une école primaire pour les enfants naga, kuki et meitei des villages environnants. Les tensions entre les Kukis et les Nagas venaient de se matérialiser, dégénérant en guerre civile. Pris au cœur des affrontements, nous avons dû quitter nos terres. Le centre a été attaqué un dimanche matin. Lorsque nous sommes arrivés sur place, nous avons découvert que 14 des 15 maisons avaient été ravagées par le feu. Mais en cette journée ensoleillée, Dieu nous avait préparés à faire face à la réalité de cette perte massive en nous donnant un signe alors que nous approchions du village : un splendide arc-en-ciel se déployait à l’horizon. Mieux, c’était un triple arc-en-ciel, alors qu’il n’y avait pas une goutte de pluie ! Cela nous a rappelé la promesse de Dieu à Noé dans Genèse 9:12-13. Nous avons également trouvé deux livres à moitié brûlés au milieu des ruines, tous deux ouverts au passage de Philippiens 4:19 : « Et mon Dieu pourvoira à tous vos besoins... », nous assurant là encore de la réalité de ses promesses.

Nous sommes Nagas et nous exerçons un ministère au sein des communautés multiethniques en prenant soin des toxicomanes, des personnes vivant avec le VIH, des personnes pauvres et marginalisées, en implantant des Églises et en formant des dirigeants. Bien que nous ne soyons pas issus du principal groupe ethnique, nous sommes chez nous à Imphal. Lorsque les tensions sont apparues, beaucoup de Nagas sont partis, mais nous sommes restés. Des amis ont fini par nous conseiller de nous rendre dans un endroit plus sûr, alors nous sommes partis trois mois. À notre retour, il y avait encore des tensions politiques. L’identité ethnique est une question sensible ici. 

Exercer un ministère dans un endroit en proie aux violences

Nous avons fait face à des difficultés et des menaces : émeutes constantes, mouvements de contestation (bandhs), fusillades et bombardements. La recherche d’une cachette sûre lorsque les balles sifflaient devant notre maison et les menaces par téléphone rythmaient notre quotidien tandis que nous poursuivions le ministère. L’appel de Dieu sur notre vie s’est confirmé. Malgré l’intensification des tensions, nous avons réussi à ouvrir une clinique où de nombreuses vies ont été transformées, en plein cœur de la région la plus instable. La petite Église que nous avons implantée s’est depuis lors multipliée, donnant naissance à sept autres Églises. Nous avons osé, et Dieu, qui nous a nommés « pour une circonstance telle que celle-ci », nous a protégés et a travaillé à travers nous. Il a béni nos faibles efforts humains, nous faisant porter des fruits qui demeurent (Jean 15:16). 

J’étais membre du Comité pour la paix, ce qui m’a permis de rencontrer différents groupes ethniques, des politiciens, des policiers et des représentants du gouvernement, en vue d’instaurer la paix et la réconciliation. Un soir, alors que je rentrais tard, j’ai été poursuivi par un autre véhicule malgré la patrouille routière paramilitaire. Même notre fils de cinq ans a ressenti le danger et demandé à sa mère si j’allais être tué par le groupe adverse. Cela m’a tellement affecté que j’ai pris de nouvelles mesures pour assurer ma sécurité.

La compassion ne prend pas parti

En situation de conflit, soit vous vous compromettez et vous favorisez une partie, soit vous restez neutre et vous établissez des relations. Nous avons choisi de rester neutres, en demandant à Dieu de répandre sa bénédiction à travers nous.

Lors d’un conflit, les gens perdent de vue leur sens de la mesure. Les communautés sont généralement en conflit parce qu’elles sont désorientées ; elles laissent alors les groupes d’intérêt les dominer. Selon l’adage, on peut « choisir ses amis mais pas ses voisins ». Dans l’État de Manipur, certaines ethnies voisines ne sont pas en bons termes. En tant que chrétiens, nous devons nous hisser au-dessus de la situation et bâtir des ponts pour le bien de l’harmonie communautaire. 

Bâtir des ponts

Dieu place certaines personnes dans des situations hostiles et dangereuses en leur donnant l’assurance de sa présence et de sa protection constantes. Parfois, nous ne savions pas quoi dire aux gens pour les réconforter et les bénir. Pour moi, le plus difficile était de célébrer les funérailles de victimes du conflit, notamment celles d’un jeune officier de police tué par le groupe adverse. 

Étant en position de prendre soin des autres, nous nous trouvions souvent en situation de conflit d’intérêts. Un jour, j’ai eu le privilège d’aider un jeune homme de la communauté qui avait détruit notre centre de formation. Pris dans les affrontements entre nos deux communautés, il ne pouvait amener sa sœur malade à Imphal pour qu’elle reçoive des soins. Il est donc venu me voir dans mon bureau de l’Église pour demander de l’aide. Il a décrit les symptômes de sa sœur et j’ai demandé à des amis médecins de lui prescrire le bon traitement. Nous lui avons également remis des vêtements, du riz et de l’argent. Six mois plus tard, elle était guérie, et pour me remercier, il m’a amené un œuf pondu par une de leurs poules. 

Peu après les émeutes communautaires, j’ai été invité à prendre la parole lors de la conférence des pasteurs de la communauté qui avait détruit notre centre de formation. Le fait d’accepter cette invitation était une décision grave et je me suis demandé si c’était judicieux. Ils ont engagé leur vie pour ma sécurité. J’y suis allé. J’avais pris la bonne décision : j’ai été accepté et ce fut un geste de pardon. Le pardon est un choix. Notre plus grande joie est de pardonner à ceux qui nous ont fait du mal, et nous sommes incroyablement bénis.

Le Révérend Dr Bann Makan est pasteur baptiste et directeur général du El Shaddai Resource Centre (ESRC). Il est diplômé du Fuller Theological Seminary en Californie. Il a œuvré à l’échelle nationale et internationale en matière de développement du leadership et au sein de plusieurs ministères de compassion. Il a été pasteur de l’Église « Centre Church » à Imphal pendant sept ans, a implanté plusieurs autres Églises et participe actuellement à la traduction de la Bible, aux efforts de paix et à la mobilisation des Églises pour la Mission intégrale. Bann et son épouse travaillent ensemble et ont été bénis avec trois enfants. 

Adapté d’un article publié par le Christian Medical Journal of India (Volume 27, numéro 4) avec l’aimable autorisation de ce dernier.

Mark Houston


Irlande du Nord

Entrevue avec Mark Houston

Parlez-nous un peu de vous

J’ai 51 ans et je suis le directeur de l’East Belfast Mission depuis 2007. Je suis marié et j’ai deux filles âgées de 23 et 19 ans. Avant d’être directeur ici, j’ai été pasteur pendant 12 ans de l’Église « City Church », dans le sud de Belfast.

Pouvez-vous nous éclairer sur le contexte des tensions qui ont éclaté en janvier 2013 ?

Le conflit a éclaté à cause d’un certain drapeau qui flottait à l’extérieur d’un bâtiment officiel. D’après moi, ces tensions étaient le résultat d’une accumulation de plusieurs années de colère, de frustration et de l’impression qu’une communauté avait d’être laissée pour compte. 

Quelles en ont été les répercussions sur la communauté ?

La communauté a vécu un véritable traumatisme, une catastrophe économique, perdu confiance envers les forces de l’ordre et les politiciens, et elle a éprouvé un réel sentiment de désespoir. Cela a été dévastateur à bien des égards. 

Comment avez-vous contribué à mettre un terme de façon pacifique à cette crise ? Qui d’autre a participé à ce processus ?

J’étais impliqué au quotidien aux côtés d’autres dirigeants de la communauté, de responsables d’Église, de la police et de politiciens. Ensemble, nous avons lancé une pétition, qui a été signée par les membres de la communauté. À notre plus grande joie, cela a mis fin à une bonne part de la violence dans les rues.

Selon vous, quel est le rôle des chrétiens dans la résolution des conflits et la consolidation de la paix ?

Jésus a dit : « Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu! ». Je pense qu’il voulait dire par là que l’instauration et la consolidation de la paix sont « l’entreprise familiale » de Dieu. Cela demande de la diligence, une formation, un engagement et une grande patience, mais en tant que disciples de Jésus, si nous n’obéissons pas à cet appel, nous ne reflétons pas le cœur de Dieu.


Le Comité pour la paix

Le Comité pour la paix a été mis en place en collaboration avec l’AMCO (All Manipur Christian Organization), en réponse aux violences des années 1990.

Toutes les dénominations chrétiennes y étaient représentées. Les premiers temps, nous avons passé beaucoup de temps à prier et à discuter. Parfois, cela ressemblait davantage à un centre de doléances, car bon nombre des membres du Comité avaient été personnellement touchés par les violences. Le travail de l’AMCO se poursuit durant les périodes de crise, mais le Comité pour la paix ne se réunit plus. En y réfléchissant aujourd’hui, 20 ans après les principaux affrontements, il aurait été judicieux de poursuivre plus longtemps le travail du Comité. L’amertume reste présente et les efforts visant à instaurer une paix durable sont encore nécessaires. 

Nous avions trois objectifs : 

  • Contrôler les affrontements, mettre un terme aux incendies de villages et au meurtre des innocents. Nous avons essayé de rencontrer le plus grand nombre de dirigeants possible. C’était une période de méfiance et de suspicion. Les membres du Comité se rendaient dans les zones sensibles avec des autorisations du gouvernement pour discuter avec les gens sur place. Parfois, nous utilisions des haut-parleurs de loin pour nous adresser aux villageois.
  • Prendre soin des personnes déplacées et gérer les secours. Nous étions lents pour ce genre de travail. Nous ne pouvions atteindre immédiatement les zones touchées car c’était dangereux. Les fournitures de secours n’arrivaient pas au moment où nous en avions le plus besoin car il fallait du temps pour les collecter et les distribuer, et l’aide des donateurs extérieurs arrivait tardivement. 
  • Réunir les deux factions. Nous le faisions en restant neutres et en communiquant avec toutes les parties impliquées dans le conflit. Il faut du temps pour établir des relations de confiance. 

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