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Les femmes dans le monde rural et l’insécurité alimentaire

par les Docteurs Neela et Amitava Mukherjee. En Inde, pour 350 millions de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté, la sécurité alimentaire est littéralement une question de vie ou de mort. Presque 70% de la population indienne vit de l’agriculture, possédant pour la plupart moins de deux hectares de terre chacun.

1997 Disponible en Anglais, Français, Espagnol et Portugais

De : Sécurité alimentaire – Pas à Pas 32

L’importance de produire, préparer, stocker et commercialiser des aliments à l’échelle locale

par les Docteurs Neela et Amitava Mukherjee.

En Inde, pour 350 millions de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté, la sécurité alimentaire est littéralement une question de vie ou de mort. Presque 70% de la population indienne vit de l’agriculture, possédant pour la plupart moins de deux hectares de terre chacun.

On considère qu’un foyer, une communauté ou une nation, jouit de la sécurité alimentaire si:

  • la nourriture culturellement acceptable est cultivée et disponible
  • les gens ont les moyens d’acheter de la nourriture
  • les gens ont les moyens de pouvoir choisir d’acheter ce qu’on leur propose
  • la nourriture disponible a une bonne valeur nutritive.

Trois sortes principales de nourriture sont à la disposition des petits agriculteurs:

  • les produits alimentaires qu’on cueille sans avoir besoin de les cultiver
  • la nourriture provenant de méthodes traditionnelles de cultures (agriculture nécessitant peu d’investissement)
  • la nourriture provenant de méthodes agricoles modernes, intensives (utilisant engrais, pesticides et machines agricoles modernes): agriculture nécessitant de gros investissements.

Dans les deux dernières décennies, les rendements céréaliers (tels que ceux du blé, du riz et du maïs) de l’agriculture intensive ont spectaculairement triplé ou même quadruplé en Inde. Pourtant, les rendements des cultures extensives, telles que les légumineuses et les pois, sources principales de protéines pour les pauvres, ont diminué.

Ceci conduit à un changement des habitudes alimentaires. Les variétés traditionnelles de céréales disparaissent à mesure que le riz et le blé envahissent les marchés. Même les variétés locales de riz et de blé deviennent rares. Cela veut dire que la première condition cidessus (c’est-à-dire que la nourriture culturellement acceptable est disponible) est en train de disparaître rapidement. L’agriculture intensive conduit de nombreux petits agriculteurs à l’endettement alors qu’ils tentent de moderniser leurs exploitations. La deuxième condition est en conséquence menacée puisque les agriculteurs ont de moins en moins la possibilité d’acheter de la nourriture.

A mesure que la sécurité alimentaire se dégrade, ce sont les femmes qui souffrent le plus. Il se peut qu’elles aient alors à passer de longues heures au travail, loin de chez elles, pour gagner l’argent suffisant à acheter de la nourriture. Elles sont en plus responsables de la distribuer au sein de leur famille, ce qui veut souvent dire qu’elles s’en privent personnellement pour que leurs enfants mangent à leur faim.

La nourriture de cueillette constitue à la fois une nourriture pour la famille et un produit à vendre. Ce type de nourriture contient souvent des vitamines et des sels minéraux vitaux et pendant les famines, les sécheresses ou autres désastres, elle est une source précieuse de nourriture souvent appellée «nourriture famine».

On ne sait pas vraiment quelle quantité de nourriture est ramassée de cette manière. Des études par N S Jodha (1986) dans des régions arides de l’Inde ont révélé qu’un tiers des besoins alimentaires de la population en étaient satisfaits.

Les changements relatifs à la sécurité alimentaire

Une autre étude a confirmé que ce sont principalement les femmes qui sont responsables de l’approvisionnement familial et d’augmenter les stocks de vivres en ramassant ce qu’elles trouvent ou ce qu’elles récoltent. Les récentes augmen- tations rapides des rendements céréaliers en Inde n’ont pas amélioré la sécurité alimentaire des plus pauvres. Ceci est clairement illustré par la recherche faite au village de Krishna Rakshit Chak dans la région de Midnapore à l’ouest du Bengale. Les villageois appartenant à la tribu des Lodha sont pour la plupart des agriculteurs pauvres et sans terre.

Des animations participatives effectuées parmi les femmes de Krishna Rakshit Chak ont révélé:

  • leur connaissance des produits comestibles poussant à l’état sauvage
  • leur rôle dans la collecte de ces produits
  • la disponibilité saisonnière de toutes les denrées alimentaires
  • comment la disponibilité des denrées sauvages s’est modifiée aux cours des années.

On a demandé aux femmes de préparer des calendriers saisonniers concernant la disponibilité et la variété de la nourriture. En utilisant de petites pierres, elles ont illustré la disponibilité et la quantité des différents aliments à leur disposition au cours de l’année. Elles ont ensuite utilisé différentes sortes de feuilles, bâtons et brindilles pour montrer la disponibilité et les quantités de nourritures ramassées qui ont été consommées. Ces quantités ont simplement été estimées.

Les chercheuses retournèrent environ deux ans plus tard (en 1995) dans le même village et demandèrent aux femmes de refaire un calendrier pour indiquer tout changement.

Résultats

Les femmes se souviennent des différents produits qu’elles trouvent dans la nature. Généralement ce sont elles qui sont responsables de les ramasser et de les préparer.

Les deux calendriers saisonniers montraient de longues périodes de famine; ceci en dépit des statistiques gouvernementales officielles indiquant des récoltes record d’agriculture intensive et d’important stocks alimentaires faits par le gouvernement. En 1995, les périodes de famine sont devenues plus longues et plus graves. Il semble qu’en dépit des statistiques officielles prouvant le contraire, les gens les plus pauvres ont eu à faire face à une insécurité alimentaire plus importante en 1995 qu’en 1993.

Les villageois ont préféré le riz comme aliment de base. Leur consommation de riz a varié en fonction de sa disponibilité et de son prix et aussi suivant les possibilités de travail et donc les revenus des villageois. Après les récoltes (Argrhayan et Poush – de mi-novembre à mi-janvier), les prix sont bas et les produits abondants. Cela a correspondu à la période de plus forte consommation de riz. Le prix du riz a été le facteur le plus déterminant quant au choix du meilleur aliment de base.

Les villageois trouvaient facilement du travail pendant la durée des récoltes ou après pour battre, vanner et décortiquer le riz. Comme les prix du riz restent bas à ce moment-là, et que généralement le travail occasionnel procurait un peu d’argent, les villageois achetaient autant de riz que possible en prévision des quelques mois à venir.

Lorsque les activités saisonnières se terminent à la ferme, les villageois gagnent leur vie en vendant du poisson et du bois de chauffage et consomment toutes les céréales achetées auparavant. Plus tard dans l’année, la vie devient plus difficile, les prix des aliments de base montent et arrivent alors de nombreux mois où la nourriture manque de façon continue et où les gens dépendent énormément de la nourriture qu’ils ramassent au hasard. Entre 1993 et 1995, la durée des périodes de disette a passé de 5 à 8 mois. En 1995, les quantités de nourriture provenant de cultures sauvages ou de la cueillette avaient diminué.

Quand on demandait dans les villages pourquoi les quantités de nourriture ramassée (comme par exemple les escargots, les citrouilles, les gourdes amères, les épinards, les feuilles, les plantes aromatiques, les bananes vertes, les plantes aquatiques sauvages) avaient diminué en 1995, leurs explications étaient surprenantes.

Ils disaient d’abord qu’en 1993 ils avaient libre accès aux champs d’agriculteurs relativement plus riches qu’eux et qui les laissaient ramasser la nourriture dont ils ne pensaient pas avoir besoin. Cependant, ces agriculteurs autrefois plus riches avaient maintenant plus de difficultés financières et avaient commencé à vendre ces «nourritures de famine» sur les marchés locaux.

Ils disaient ensuite que les zones de terre commune diminuaient rapidement. Elles étaient maintenant de plus en plus utilisées, par exemple pour la sylviculture publique. Ce qui veut dire que les femmes et les enfants doivent aller encore plus loin pour trouver de la nourriture à partir de cultures sauvages.

Conclusions

En dépit des rapports officiels annonçant des prévisions de production et une croissance record au profit de tous les foyers, la faim s’est faite plus menaçante dans ce village. Le manque d’accès à cette nourriture spontanée ou de cueillette a rendu les périodes de disette plus longues et a fait disparaître cette aide inattendue offerte par la nature. Le gouvernement avait assisté la communauté en creusant des mares pour l’élevage des poissons ou l’irrigation; pourtant, leur bénéfice n’était ressenti que par les agriculteurs possédant des terres. Le besoin d’aider les plus pauvres, sans terre, par des stratégies de survie, reste un problème majeur pour cette communauté et bien d’autres comme elle.

Le Docteur Neela Mukherjee est Professeur d’Economie à l’Académie Nationale d’Administration de Mussoorie, UP 248 179, en Inde. Son mari, le Docteur Amitava Mukherjee, est Directeur d’Action Aid India, 3 Rest House Road, PO 5406, Bangalore 560 001, Inde.

EDITRICE
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