Karl Dorning.
Le manque de travail dans les communautés locales et la nécessité de gagner de l’argent ont provoqué la migration massive des jeunes gens de Myanmar (Birmanie) vers la Thaïlande. Dans certaines communautés, plus de la moitié des jeunes sont partis. Ces migrants sont pourtant confrontés à de nombreux risques comme : le trafic de drogues, le VIH/sida, la prostitution, l’arrestation et la déportation. Ces risques sont largement connus et pourtant l’exode continue.
La solution la plus évidente serait d’essayer de retenir ces jeunes dans leurs communautés en :
- créant des emplois
- sensibilisant les jeunes sur les risques encourus lors de la migration en Thaïlande.
Les membres de World Vision Myanmar désiraient impliquer la communauté pour qu’elle identifie les causes du problème et propose des solutions possibles. Ils voulaient que les jeunes comprennent pourquoi certains d’entre eux choisissent de ne pas partir. Cette démarche pourrait permettre d’identifier des stratégies appropriées et efficaces pour empêcher un si grand nombre de jeunes à s’en aller.
On a sélectionné une communauté près de la frontière où la moitié des jeunes migrent. On a utilisé des techniques encourageant tous les membres de la communauté à partager leurs idées et à participer (comme réaliser des cartes de leur région) pour identifier les problèmes principaux. On a trouvé que :
- Les garçons migrent pour des travaux saisonniers alors que les filles migrent définitivement.
- Les migrants typiques ont entre 14 et 18 ans.
- La principale raison de leur départ est le besoin de gagner de l’argent.
- La plupart des migrants sont issus de familles pauvres ou de condition moyenne.
- Des représentants de sociétés thaïlandaises viennent régulièrement au village pour recruter des jeunes.
- Un certain nombre de migrants sont revenus et sont morts du sida, pourtant la migration continue.
On a identifié en même temps, un certain nombre de jeunes qui n’avaient jamais migré en Thaïlande. Là encore, on a utilisé des techniques de participation pour définir leur ethnie, éducation, milieu familial, attitude envers la migration, occupation actuelle, loisirs et réseaux sociaux de soutien. On a trouvé que :
- leur situation économique était la même que celle de ceux qui partaient (famille pauvre ou de condition moyenne)
- ils avaient les mêmes occupations que ceux qui partaient
- ils avaient le même niveau d’éducation.
Tous ces jeunes avaient décidé de ne pas s’en aller et leurs raisons comprenaient : le fait que leurs parents les en avaient découragés et la peur du VIH/sida, de l’arrestation par la police, de perdre contact avec leur famille, la peur du trafic de drogues ou de la dépendance de la drogue, la crainte d’être tyrannisé par un patron. L’un des jeunes garçons a déclaré qu’il était « fier d’être resté dans sa communauté ». D’autres ont fait remarquer que bien que certains soient partis pour raisons économiques, leurs familles étaient toujours dans la même précarité : luttant pour survivre.
Tous avaient de bonnes relations avec les autres jeunes non-migrants de leur communauté. Il est probable que la pression des copains constitue un facteur important puisque de nombreux jeunes migrent avec leur groupe d’amis.
Un autre élément clé découvert était que tous ceux qui n’avaient pas migré, étaient très proches de leurs parents. Ils ont déclaré que leurs parents les avaient encouragés à rester à la maison.
La recherche a donc prouvé que les seules différences entre les jeunes qui s’en vont et ceux qui restent, étaient le soutien social apporté par les amis qui ne partaient pas doublé par l’attitude solidaire des parents.
Actions possibles
La recherche a donc montré qu’au lieu de créer des emplois et d’augmenter la sensibilisation sur les risques encourus lors de la migration, les priorités réelles étaient de :
- créer un groupe de soutien de parents destiné à informer les autres parents
- valoriser les jeunes gens, fiers de rester dans leurs communautés
- encourager les jeunes qui ont décidé de ne pas partir, à parler aux moins âgés qui n’ont pas encore pris de décision sur la migration.
Aspects positifs de cette approche
L’approche participative de la recherche a permis à la communauté de réfléchir à la question sous un jour totalement nouveau. Les gens ont pu reconsidérer leurs stratégies d’origine et en inventer d’autres, peut-être plus efficaces. Les jeunes qui n’étaient pas partis se sont sentis plus forts et capables d’offrir une importante contribution à leur commu-nauté. Cette approche participative a suscité un nouveau regain d’énergie mais aussi d’espoir et a renouvelé l’intérêt pour cette question, alors qu’ils étaient pour ainsi dire inexistants auparavant.
World Vision Myanmar a trouvé que cette recherche participative était très utile pour mobiliser la communauté. Nous vous encourageons tous à l’utiliser.
Adapté d’une présentation de recherche. Karl Dorning travaille avec World Vision, Myanmar. Email : [email protected]