Les médias représentent une force majeure dans l’élaboration, aux niveaux national et international, des agendas concernant les questions de développement. Les « médias » incluent les journaux, les magazines, la radio, la télévision, l’internet, les livres et d’autres formes de publication. Si les médias se focalisent sur un sujet particulier, cela peut souvent changer réellement la situation et encourager une réponse du public ainsi que du gouvernement. Il n’est pas bon de séparer les médias des travaux de secours et de développement ou de les considérer comme quelque chose à éviter. Au contraire, il est vital que les organisations de développement et les églises aient de bonnes relations avec les médias, si elles veulent réaliser des changements et avoir de réels impacts dans le monde.
J’ai travaillé pendant des années comme journaliste, sur des thèmes sociaux, politiques et de développement, pour des agences de presse internationales en Afrique centrale et occidentale. J’étais souvent frustré car la plupart des attachés de presse ou chargés d’information au sein des organisations de développement avec lesquelles je travaillais, n’arrivaient pas à comprendre ce que j’attendais d’eux. Je désirais de simples histoires sur l’expérience personnelle des gens. Au lieu de cela, on me donnait de longs communiqués de presse remplis de termes techniques dont la compréhension nécessitait plusieurs coups de fil.
Lorsque je contactais des organisations pour demander des témoignages, certaines personnes étaient tellement effrayées de parler à un journaliste qu’elles promettaient de me rappeler et ne le faisaient jamais. A l’autre extrême, certaines organisations offraient des « déjeuners » et des conférences de presse autour de questions que j’aurais pu traiter en quelques coups de fil. En tant que journaliste, ce que je trouvais le plus utile était de courtes conférences de presse durant lesquelles je trouvais des faits pertinents et des éléments potentiellement intéressants à utiliser dans mon programme radio de cinq minutes. Au lieu de cela, j’étais invité à de superbes cérémonies avec des tas de discours, du chef de village à son meilleur guerrier. Avant de pouvoir entendre les faits qui m’intéressaient, mon éditeur, furieux, me demandait au téléphone, de revenir au studio ou de passer à un autre sujet.
Avec l’expérience, je suis devenu plus sélectif quant à mes sources d’information. Je refusais nombre de conférences de presse et découpais en morceaux les communiqués ennuyeux dès qu’ils arrivaient sur mon fax. J’ai vite réalisé que seules quelques organisations savaient réellement comment travailler avec les médias. La plupart d’entre elles, bien qu’elles fassent un excellent travail, ne savent pas comment faire passer leurs informations au public.
Avoir de bonnes relations avec les médias
Pour travailler efficacement avec les médias, il faut avoir de bonnes relations avec les journalistes. Trouvez les journalistes locaux qui traitent des sujets liés à vos travaux. Apprenez à les connaître, cherchez quels genres d’histoires les intéressent. Lorsque vous avez une histoire, vous pouvez la leur envoyer directement et les appeler au téléphone après. Ceci est souvent plus efficace que d’envoyer des communiqués de presse généraux.
- La plupart des journalistes, à part ceux impliqués dans des domaines très techniques ou spécialisés, veulent des témoignages. Évitez de leur envoyer de longs rapports ennuyeux ou des documents de politique. Si un rapport spécifique est demandé, très bien. Sinon, découpez ces rapports en petites histoires intéressantes axées sur les personnes impliquées.
- Si une conférence de presse s’impose, qu’elle soit courte. Surtout, soyez très précis sur le message que vous désirez faire passer. N’ennuyez pas les journalistes avec de longs discours sur votre organisation.
- Les communiqués de presse devraient être courts et contenir l’information clé dans le premier paragraphe. Il y a plus de chances que les journalistes utilisent une histoire si elle est déjà rédigée sous la forme d’un article au style et à la longueur appropriés pour leur publication.
- Il est très utile que les organisations disposent d’une personne spécialisée pour traiter avec les médias. On appelle généralement cette personne un(e) attaché(e) de presse ou un(e) responsable de l’information. Il ou elle devrait être formé(e) à bien communiquer avec les médias et capable d’avoir de bonnes relations avec les journalistes. Si votre organisation ne peut pas se permettre un tel poste, il faudrait former l’un des responsables seniors, afin qu’il s’occupe de cette importante tâche.
- Bien que ce soit une bonne idée que de prendre l’initiative pour partager les informations, évitez d’avoir constamment recours aux médias. N’organisez pas des conférences de presse ou des repas inutiles avec les médias et n’essayez pas d’obtenir une publicité au rabais pour votre organisation. Les médias risquent de ne plus vous prendre au sérieux.
- Ne permettez jamais que votre organisation se retrouve dans la situation de devoir payer pour que ses histoires sur ses excellents travaux soient publiées ou diffusées. Faites aussi très attention aux cadeaux que vous offrez aux journalistes.
- Répondez le plus rapidement et précisément possible aux questions des médias. Soyez honnête.
- Dans les situations difficiles, n’ayez pas peur de refuser de répondre à une question. Essayez d’éviter les réponses inutiles comme « Je n’ai rien à dire ». En cas de doute, demandez un délai pour offrir une réponse précise et meilleure. Soyez ferme mais poli.
Les médias en tant qu’outil de plaidoyer
Les organisations peuvent utiliser les médias de manière stratégique pour faire connaître leurs objectifs, vision et buts à une plus grande audience. Si elles planifient bien, elles peuvent attirer l’attention d’un plus grand public sur les questions qu’elles traitent. Par exemple, une organisation qui travaille avec des enfants abandonnés dont les pères sont des membres étrangers des forces de maintien de la paix au Liberia, a porté le problème de ces enfants à la connaissance du reste du monde en travaillant avec des journalistes libériens et internationaux. Résultat, le gouvernement libérien et la communauté internationale ont été forcés de s’occuper du problème des abus sur les enfants et de mettre au point de meilleures politiques.
Il est très important que les organisations comprennent bien l’environnement médiatique des régions au sein desquelles elles travaillent. Souvenez-vous que les organisations médiatiques ont leurs propres vision et objectifs. Elles auront souvent leurs propres idées sur une question donnée. Ceci peut être connu ou caché mais a besoin d’être parfaitement compris. Sinon, une organisation risque de s’impliquer dans des relations qui, au lieu de soutenir et promouvoir ses travaux, pourraient la mettre à mal.
Babatope Akinwande a travaillé comme reporter pour la BBC en Côte d’Ivoire et comme journaliste indépendant pour Radio France Internationale et Deutsche Welle Radio. Il couvrait l’Afrique centrale et occidentale. Il est maintenant Desk Officer de Tearfund pour la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau et le Tchad. Il continue d’écrire de temps en temps des articles pour des journaux, des magazines et l’internet.
ELINATA KASANGA est une agricultrice de subsistance à Balakasau, un village isolé dans l’est de la Zambie où travaille l’Evangelical Fellowship of Zambia, le partenaire de Tearfund. En juillet 2005, elle a discuté avec Gordon Brown (le Ministre des finances du Royaume-Uni) en direct, par liaison vidéo organisée par Tearfund. Cette conversation a eu lieu le jour où les leaders de l’Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni et Russie se réunissaient au RU pour discuter du développement et du changement climatique.
Elinata a pu parler directement au Ministre des finances et soulever les problèmes que les gens de son village affrontent. Elle a souligné les problèmes du VIH et de la sécheresse. « Tant de gens sont morts dans notre village, cela a engendré de nombreux orphelins qui ont été adoptés dans d’autres familles ou qui dirigent leur propre foyer. C’est un grand défi pour nous ». Elinata a aussi déclaré au Ministre des finances que ses deux aînés ne pouvaient pas aller à l’école secondaire et que sa famille ne pouvait pas avoir de soins appropriés, parce que cela coûtait trop cher.
Le Ministre des finances a répondu que les gouvernements devaient agir pour mettre fin à la pauvreté et a déclaré à Elinata « Votre famille et vous, formez l’une des raisons pour lesquelles nous devons agir ».