par Dennis et Meredith Murnyak.
«Le Projet de Pisciculture» est un programme de formation et de vulgarisation (en Tanzanie du Nord). Il a commencé en 1984 comme un volet du ministère holistique de l’Eglise Evangélique Luthérienne de Tanzanie (ELCT). Il favorise et enseigne les techniques de base de l’élevage du tilapia dans des étangs creusés dans la terre. Le projet met l’accent sur le travail auprès des producteurs pratiquant une agriculture de subsistance qui ont besoin de ces poissons pour nourrir leur famille et pour les vendre afin d’augmenter leurs revenus. Cependant, leurs idées de formation pourraient être utilisées dans bien d’autres activités de développement.
Tout a commencé dans une petite région du District de Babati, puis s’est bientôt répandu à travers toute la région d’Arusha et à d’autres régions de Tanzanie. Bien que le projet soit petit et dispose d’un budget relativement restreint, il a quand même pu aider 15 organisations partenaires à démarrer un programme intégré de pisciculture. Il a aussi formé 500 motivateurs bénévoles et aidé des familles tanzaniennes à construire plus de 4.000 bassins pour élever les tilapias.
Pourquoi ce projet de pisciculture est-il un succès?
- Il utilise une technologie simple d’aquaculture.
- La tilapia fournit des résultats rapides.
- Il n’y a rien de gratuit (les agriculteurs construisent eux-mêmes leurs bassins, achètent leurs alevins et vendent leur propre récolte).
- Le personnel du programme est convaincu, efficace et consciencieux.
- Bassin à poissons au centre de formation.
- Il est axé sur un système de motivateurs bénévoles sélectionnés par leurs communautés.
- Le programme est à long terme.
Les agriculteurs sont sélectionnés par leurs communautés afin d’être formés pour servir de motivateurs bénévoles. Ils assistent à un stage de formation qui dure deux semaines au centre de formation agricole d’ELCT dans le district de Balbati. Ensuite, les motivateurs facilitent, enseignent et font une démonstration des méthodes de pisciculture dans leurs communautés. Ils supervisent aussi les agriculteurs qui pratiquent la pisciculture, enregistrent et commentent leurs activités à l’organisation qui encourage le projet dans leur région. Ils se rendent régulièrement à des réunions avec les autres motivateurs de la région, ce qui leur permet d’échanger leurs connaissances, de s’encourager et de coordonner les activités. Normalement, un motivateur travaille avec dix pisciculteurs.
Question très importante
Qu’est-ce qui anime les motivateurs qui pratiquent souvent eux-mêmes une agriculture de subsistance? C’est une question que nous avons souvent posée lorsque nous avons vu le nombre d’heures et la quantité d’énergie que beaucoup de motivateurs déploient dans ce travail. Quelques-uns des facteurs identifiés indiquent que les motivateurs:
- veulent aider les autres
- sont convaincus que la pisciculture peut contribuer à lutter contre la faim et la malnutrition
- éprouvent de la satisfaction à faire partie de l’équipe du projet
- sentent qu’ils sont responsables envers les formateurs et leur propre communauté
- apprécient le respect dont ils bénéficient en tant qu’expert pisciculteur dans leur village.
L’enthousiasme et l’extrême dévouement dont ont fait preuve certains motivateurs bénévoles ont été remarquables, comme le montrent les trois études de cas.
Avantages des motivateurs bénévoles
- Le programme peut être maintenu à un coût raisonnable et couvrir une vaste région.
- Ils habitent dans la région et connaissent la langue locale et les coutumes.
- Ils maintiennent les connaissances dans la communauté locale.
- Ils ne dépendent pas de subventions extérieures.
Les motivateurs ont développé des lignes directrices aidant les communautés à les choisir. Ils ont décidé qu’ils devaient:
- être membres permanents de la communauté
- savoir lire et écrire
- être respectés de leur communauté
- être de bons agriculteurs
- ne pas être égoistes
- avoir du self-control et être sobre
- être passionnés par la pisciculture.
Stage de formation de motivateurs
Chaque stage de formation, qui dure quinze jours, est dispensé dans un des centres de formation agricole d’ELCT: de 20 à 35 personnes de différentes parties du pays y participent. Ils ont tous été sélectionnés par leur communauté. Trois ou quatre stages de formation ont eu lieu chaque année et les participants ne paient pas les frais, mais les organisations partenaires couvrent tous leurs frais de déplacement. Les participants ne reçoivent pas d’argent durant le stage qui traite de toutes les techniques de base de la pisciculture: depuis la sélection de l’emplacement des étangs, jusqu’aux techniques de conservation du poisson après la pêche.
Le stage est à la fois théorique, en classe, et pratique, sur le terrain. Il comporte aussi des visites aux agriculteurs et aux motivateurs. On apprend en classe, puis on pratique ce que l’on a appris sur le terrain et on renforce ses connaissances par des visites chez des pisciculteurs.
Approche lucide et pragmatique
Le stage ne se contente pas de transmettre des connaissances: il encourage les participants à apprendre à utiliser leurs propres expériences, connaissances et savoir-faire pour résoudre les problèmes associés à la pisciculture et avoir confiance en eux-mêmes.
Par exemple, pendant l’un des exercices pratiques sur le stockage du poisson, on demande aux participants de transporter les alevins d’un premier étang et de les stocker dans un autre, sans leur dire que le premier étang contient plusieurs espèces de poissons. Ils récoltent les poissons au filet, les trient et choisissent, suivant leur taille, ceux qu’ils veulent stocker. Pourtant, s’ils ne se rendent pas compte que l’étang contient plusieurs espèces différentes, ils vont aussi stocker différentes espèces dans le nouveau étang. Lorsqu’on leur en fait la remarque, cela provoque un excellent point de départ pour une discussion sur les effets de mélange d’espèces sur la production. C’est aussi un défi pour les participants de réfléchir à leur expérience dans le domaine de l’agriculture et de l’élevage.
Pendant le stage de formation, on utilise des affiches, des jeux de rôle et des histoires qui montrent des situations réelles associées à la promotion de la pisciculture. Elles illustrent le manque d’enthousiasme d’une communauté, l’apathie, la malhonnêteté et le vol. On encourage les participants à réfléchir et à discuter des différentes manières permettant de résoudre ces problèmes. Ils font appel à leurs expériences personnelles et à leurs savoir-faire: souvent sans relation directe avec la pisciculture, mais cela même leur donne confiance en leur capacité à résoudre les problèmes de façon créative et à devenir plus indépendants.
Les agriculteurs des environs et les motivateurs du programme sont aussi invités à partager leurs enseignements avec les stagiaires. A la fin du stage, les participants passent un examen écrit et sont notés sur leur participation aux travaux pratiques. Avant de partir, ils préparent aussi un plan de travail et se proposent des objectifs pour l’année suivante. A une date ultérieure, le personnel du projet utilisera ces projets lorsqu’ils rendront visite aux participants. Il y a un banquet de clôture où ils reçoivent un diplôme, un manuel de formation et une casquette portant l’inscription «Fuga samaki» («Elevez des poissons»). Généralement, les stagiaires repartent enthousiasmés par la pisciculture et prêts à travailler comme motivateurs dans leurs communautés.
Le projet de pisciculture et son système de formation de motivateurs bénévoles a bien réussi en Tanzanie, grâce à tous les agriculteurs et motivateurs qui ont généreusement donné de leur temps pour aider les autres à apprendre comment on élève les poissons et comment les communautés peuvent lutter contre la faim. Notre expérience et nos méthodes peuvent être utiles dans bien d’autres types de travail de développement et dans d’autres pays. Nous encourageons les lecteurs de Pas à Pas à essayer!
Dennis et Meredith Murnyak ont travaillé pendant de nombreuses années avec ELCT dans le Diocèse d’Arusha et peuvent être contactés par courrier électronique: [email protected]
Pour plus d’informations sur ces excellents stages de formation, écrivez à Integrated Agricultural Training Centre, PO Box 631, Babati, Tanzanie.
Vous trouverez les détails complets sur les techniques de pisciculture dans le manuel Raising fish in ponds mentionné en page 14 et résumé aussi dans le numéro 25 de Pas à Pas, page 12.
Pourquoi les motivateurs sont-ils enthousiastes après leur stage de formation?
- Les formateurs sont dévoués, efficaces et croient en la pisciculture.
- Les participants apprennent en écoutant, en regardant et en agissant.
- Des visites chez des pisciculteurs et des motivateurs de la région les aident à entrevoir les possibilités réelles de la pisciculture.
- Les motivateurs ont été stimulés et mis au défi. _ Les motivateurs ont pleinement confiance en leur nouveau savoir-faire.
- Ils savent qu’ils seront responsables envers la communauté et que leurs formateurs leur rendront visite après le stage.